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L’atmosphère était donc, à la fin de juin 1919, plus chargée d’électricité que jamais.

Les 29 juin, 2, 5 et 6 juillet se produisent à Fiume des incidents, qui sont les plus sérieux dont cette ville ait été le théâtre. Il ne nous sied pas de nous étendre sur des scènes pénibles et vulgaires au cours desquelles des officiers et des soldats français ont été tués ou blessés. Une enquête internationale, dont nous parlerons tout à l’heure et à laquelle a participé un général italien, en a donné une version officielle authentique et établi les responsabilités. Les résultats de cette enquête nous ont été favorables. De même que précédemment, les dépêches de presse envoyées de Fiume aux journaux italiens présentent cependant les faits comme la réaction de la population indigène contre les intolérables vexations et provocations de nos troupes. Aussi toute la presse italienne se livre-t-elle à de véhémentes attaques à notre adresse. L’opinion publique égarée, chauffée à blanc, persuadée que les torts sont de notre côté, s’emporte et gronde partout contre nous.

D’énergiques représentations sont faites au gouvernement italien pour obtenir qu’il réagisse, en Italie même, contre l’exploitation de ces incidents et, à Fiume, contre la mollesse dans la répression des violences. Cela fait, le plus urgent était de prévenir toute suite diplomatique entre les gouvernements, toute polémique de presse d’un côté à l’autre des Alpes, et toute nouvelle bagarre sur place. Et pour cela le moyen le plus pratique était la remise immédiate de l’affaire à une commission internationale, aux fins d’enquête et de conclusions. Il en était tellement ainsi que le même jour, M. Clemenceau à Paris et M. Barrère à Rome en font, spontanément et simultanément, la proposition à M. Tittoni et a M. Nitti, qui acceptent l’un et l’autre avec empressement. Demander la constitution d’une commission internationale d’enquête, quand on a de son côté les seules victimes qu’il y ait à déplorer, n’est pas faire preuve de rigueur, mais de mansuétude. Mais comment les Italiens l’auraient-ils compris, alors que des dépêches trop dépourvues de sérénité leur répétaient que les responsables étaient précisément les victimes ?

Aussitôt la décision prise, M. Tittoni vient à Rome, pour rendre compte du début de négociations à peine engagées, mais en réalité pour mettre un terme à une tempête dont il a constaté