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prendre d’engagements précis, à se solidariser avec les revendications nationales. Abstraction faite de leurs dispositions personnelles, la limite de leurs concessions éventuelles ne pourra donc, de ce fait, différer sensiblement de celle à laquelle étaient parvenus leurs prédécesseurs, avant de s’être « retranchés » dans la Convention de Londres.

Très bien accueilli à Paris, où il a passé sept années d’ambassade, M. Tittoni reçoit des premiers ministres anglais et français, dès son arrivée, une note qui avait été préparée à l’intention de MM. Orlando et Sonnino et dont leur chute avait prévenu la remise. Il en a lu plus tard à la Chambre des députés un passage, qui est un avertissement net et franc du péril auquel une politique trop individuelle, dans diverses affaires, expose les relations de l’Italie avec ses alliées. Cette note, signée par MM. Clemenceau et Lloyd George, mais rédigée par M. Balfour, éclaire M. Tittoni sur la nécessité de détendre avant tout une situation qui laisse évidemment à désirer ; et c’est à quoi il s’emploie d’abord, tout en répliquant au document qui lui a été consigné. Mais à peine s’est-il adonné à cette tâche qu’il y est troublé par des incidents survenus à Fiume.

Depuis les incidents consécutifs à l’armistice, à l’occupation interalliée de Fiume et à l’installation de la base française, une accalmie relative s’était produite sur place. Les rapports étaient sans doute restés tendus, entre troupes françaises, d’une part, troupes italiennes et indigènes italianisants d’autre part. Quelques feuilles locales et, à leur suite, quelques journaux de la péninsule avaient bien, de temps à autre, récriminé encore contre nos soldats. Mais il n’y avait pas eu de heurt, pas de fait nouveau. Malheureusement, les délais subis par le règlement adriatique, le message public de M. Wilson, la reconnaissance de l’état serbe-croate-slovène par la France et par l’Angleterre avaient surexcité les éléments italiens de Fiume. Leur dépit s’était principalement tourné contre les Français, qui, s’étant sentis de plus en plus mal vus, en avaient pris ombrage. Le commandement italien avait favorisé sous toutes ses formes la propagande on faveur de l’annexion de l’Italie, et cette propagande, qui avait été jusqu’à la constitution d’un bataillon de volontaires fiumains, alimentait l’excitation contre les Français, considérés comme intrus.