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assises authentiquement chrétiennes, l’imprescriptible programme du Christ : que tous soient un !

Tout en même temps, Maistre voulait que les Frères de ce grade s’occupassent de « l’instruction des gouvernements. » Et déjà le futur apologiste de « l’instinct royal » et de la bonne volonté des souverains expliquait à Brunswick :


Nul prince ne veut le mal, et s’il l’ordonne, il est trompé. En détestant les agents secondaires de l’injustice, on se contente presque toujours de plaindre la cause première.


Il apparaissait à Maistre que les maçons du second grade pourraient exercer je ne sais quelle influence pédagogique pour que cette souveraineté politique, qui naturellement tend vers le bien, s’y acheminât. Mais il pressentait un péril, et pour y couper court, il écrivait sommairement : « Cabaler n’est pas faire le bien ; jamais la Société n’accordera sa protection à l’ambition d’un Frère. » Maistre se refusait à concevoir une loge comme un essai de République des camarades.

Il augurait que la plupart des Frères que leurs lumières et leurs talents auraient rendus propres au second grade, passeraient infailliblement au troisième, parce que « tout homme entraîné vers les croyances chrétiennes sera nécessairement ravi de trouver la solution de plusieurs difficultés pénibles dans les connaissances que nous possédons. » Or, cette solution, c’est au maçon du troisième grade qu’elle était promise. La révélation de la révélation, le christianisme transcendant, tel était le but de ce grade. Et Maistre voulait que, parvenus à ces altitudes, les maçons demandassent à l’antiquité des deux Testaments comment elle entendait les allégories sacrées. Saint Anastase le Sinaïte et Moïse Bar Cepha, Josèphe et Maïmonide, étaient cités à Brunswick comme d’incontestables témoins de cet antique allégorisme, pour lequel « tenaient, » d’après Maistre, « tous les premiers chrétiens, » et que d’ailleurs, ajoutait-il, ils « poussaient trop loin. » [1] Il lui semblait que dans un renouveau de

  1. Ces lignes de Maistre sur l’allégorisme marquent un sens très exact des nuances. Comment les indications mêmes du Nouveau Testament sur les allégories de l’Ancien devaient induire les premiers chrétiens, sans préjudice pour le sens littéral et historique, à la recherche des sens allégoriques, et comment l’Ecole d’Alexandrie poussa trop loin cette recherche, c’est de quoi l’on peut se rendre compte dans l’article de M. Mangenot sur les allégories bibliques (Dictionnaire de théologie catholique, t. I, p. 833-836).