Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 62.djvu/156

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Templiers, il fallait ne « rien laisser subsister, » et même « proscrire tout ce qui peut tenir à la chevalerie... Qu’est-ce qu’un chevalier créé aux bougies dans le fond d’un appartement, et dont la dignité s’évapore dès qu’on ouvre la porte ? » Avant d’aborder l’étude de « ce que nous devons être, » Maistre énonçait deux « propositions préliminaires : »


1° Les Frères les plus savants pensent qu’il y a de fortes raisons de croire que la vraie maçonnerie n’est que la science de l’homme par excellence, c’est-à-dire la connaissance de son origine et de sa destination. Quelques-uns ajoutent que cette science ne diffère pas essentiellement de l’ancienne initiation grecque ou égyptienne.

2° Quel que soit le succès de nos recherches sur l’origine de la maçonnerie, on n’est pas moins décidé à s’occuper fortement des vérités sublimes, connues de Votre Altesse Sérénissime, à les fixer et à les propager dans l’ordre, pour le bonheur de l’humanité.


Les efforts pour établir l’identité des anciennes initiations païennes avec la maçonnerie ne pouvaient, d’après Maistre, « avoir aucun succès. » Que les mythes antiques rappelassent « l’immortalité de l’âme, le néant des dieux du peuple, et quelques vérités physiques et morales, » il l’avouait sans peine, mais il observait, par ailleurs, qu’aux textes sur la spiritualité de l’âme s’opposaient, dans les écrits des philosophes grecs et latins, certains textes contraires, et que l’immortalité de l’âme n’était, pour beaucoup d’entre eux, que « la résolution dans le grand Tout. » Maistre, éloquemment, rappelait à son correspondant l’excellence du christianisme :


« En général, nous tenons compte à l’antiquité de tous les efforts qu’elle a faits pour s’approcher du vrai, et en cela nous sommes justes, mais il ne fallait pas se laisser aveugler au point de méconnaître la supériorité que nous a donnée l’Évangile. Lorsque nous éprouvons un mouvement de respect en lisant le discours que l’hiérophante tenait aux initiés et l’hymne plus admirable encore du philosophe Cléanthe, peut-être en serions-nous un peu moins frappés, si nous voulions réfléchir que le mérite intrinsèque de ces deux morceaux se réduit à exprimer en beaux vers grecs la première leçon de nos catéchismes...

Faisons-nous une généalogie claire et digne de nous. Attachons-nous enfin à l’Évangile, et laissons là les folies de Memphis. Remontons aux premiers siècles de la loi sainte, fouillons l’antiquité ecclésiastique, interrogeons les Pères l’un après l’autre ; réunissons,