Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 61.djvu/896

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Allemands vont se présenter devant les Gouvernements alliés. Nous pouvons nous attendre à toutes les chicanes et à tous les maquignonnages. M. Lloyd George a déjà fait justice, devant ses auditeurs de Birmingham, de quelques-uns des sophismes allemands. « M. von Simons, a-t-il dit, se plaint de n’avoir pas reçu de nous la facture complète de ce qui nous est dû. Cette facture complète est faite et, si elle peut lui être de quelque utilité, nous la lui enverrons. Mais je ne crois pas qu’elle le réjouisse. » En d’autres termes, la facture de Paris est moins élevée que le montant réel des réparations. Si les Alliés avaient été, tout à la fois, plus respectueux de la logique et du traité, ils auraient épargné à M. Lloyd George la peine d’adresser cette remontrance au docteur von Simons. Ils auraient commencé par établir et par révéler le chiffre des dommages ; ils auraient ensuite indiqué comment ils entendaient faire payer l’Allemagne et quels rabais ou quels délais ils croyaient devoir lui accorder pour ménager sa capacité de paiement. Il y a, convenons-en, quelque chose de singulier dans l’attitude de créanciers qui viennent dire : « Nous gardons notre facture complète dans notre poche ; nous vous la ferons connaître plus tard ; mais soyez sûr que ce que nous vous demandons reste fort au-dessous de ce que vous nous devez. » Il serait beaucoup plus simple de montrer, d’abord, la facture complète, puis la facture de Paris, et de dire à l’Allemagne : « Voyez dans la différence un nouveau gage de notre modération. »

Mais nous sommes incorrigibles ; nous avons préféré triompher et annoncer au monde que les Alliés allaient toucher deux cent vingt-six milliards de marks or. Deux cent vingt-six milliards de marks or ? La vérité est tout autre. Les accords de Paris prévoient que l’Allemagne s’acquittera au moyen de quarante-deux annuités, divisées chacune en deux parties : une partie déterminée d’avance, l’autre subordonnée à l’importance des exportations de l’Allemagne. Il n’est pas nécessaire d’être grand clerc en mathématiques pour savoir que, dans le calcul des annuités, il y a quatre éléments à considérer : le capital dû, le taux de l’intérêt, l’annuité elle-même, c’est-à-dire la rente annuelle que paie le débiteur, et enfin le temps pendant lequel l’annuité doit être versée ; et il suffit de résoudre une équation, ou même, plus simplement, de consulter des tables d’annuités, pour connaître la valeur actuelle, en capital, de la première fraction de la rente que l’Allemagne devra nous payer. Suivant le taux d’intérêt que l’on adoptera, on ramènera ainsi l’illusion des deux cent vingt-six milliards à une réalité de soixante-quinze, cinquante-sept ou cinquante