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toute espérance de soy mesmes »[1]. On entrait alors de bonne heure en carrière. Ce garçon de quinze ans commandait une compagnie de chevau-légers au siège de Boulogne. A vingt ou vingt-cinq ans, on était ambassadeur ou général. Les plus grandes affaires d’État étaient confiées à des jeunes gens. Souvent ces débuts trop rapides provoquaient l’usure dans la force de l’âge et entraînaient des retraites prématurées : celle d’un Nemours, celle d’un La Rochefoucauld. Une société plus simple, moins complexe, des manœuvres moins compliquées à la guerre, permettaient ces directions précoces. Encore verra-t-on bientôt avec satisfaction le pouvoir et le commandement passer aux mains plus expérimentées des Sully, des Richelieu et des Turenne.

Un portrait à la manière de Clouet nous donne une idée du beau Nemours, mais la plume de Brantôme et celle de Mme de Lafayette en disent mieux le charme mouvant. Il porte un pourpoint fermé laissant passer le collet plissé, un toquet à plume incliné sur le côté. Le visage est régulier, l’ovale allongé, le front haut, les sourcils droits, les yeux un peu étonnés, la bouche petite et la barbe légère. Il y manque ce don de tout animer autour de soi que décrit si joliment Brantôme. On sait qu’il faisait la mode. Sa pratique avait fait la fortune d’un orfèvre. Dans l’inventaire dressé en 1549 au château de Nemours, à Annecy, on a l’état de sa garde-robe à dix-huit ans. « Les jambes vêtues de bas-de-chausses en laine doublées d’une belle étoffe, il portait un haut-de-chausse, sorte de culotte plus ou moins bouffante descendant à mi-cuisse, de toile d’or ; son pourpoint était le plus souvent taillé dans le même tissu, laissant passer le collet de la chemise orné de broderie. La saye qu’il mettait par-dessus, sorte de vêtement en usage jusqu’aux guerres de religion, très ouvert sur le devant, avec ou sans manches, à basques ou pointes, était tantôt en satin cramoisi chargé de cordon d’or, soit en tissu d’or et d’argent, soit en velours brodé ; sa chamarre, veste longue et ample portée également sur le pourpoint, était aussi faite en toile d’or et d’argent ; enfin sa robe, faisant alors l’office de paletot, était en velours rouge cramoisi à dessins, doublé de satin. Le costume était complété par l’épée dorée ou argentée, dans un fourreau de

  1. Cité par Max Bruchet dans son mémoire sur Jacques de Savoie, duc de Genevois-Nemours (Revue Savoisienne, Annecy, Abry imp. 1898). »