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s’il la reconstituait plus faible et sous une forme plus dangereuse ? Mais Constantin non plus n’avait la force de résoudre la terrible question du principe légal de la suprême autorité. Le principe dynastique, dépouillé du caractère divin, était lui aussi faible, incertain, oscillant, comme tous les autres principes que l’Empire avait essayés. Constantin comprit qu’il n’avait ni la force ni l’autorité nécessaires pour s’imposer aux ambitions de tous les membres de sa famille et transmettre son pouvoir à un seul de ses enfants ; il préféra briser l’Empire dans l’illusion de lui assurer plus facilement la tranquillité, en satisfaisant toutes les ambitions rivales, qu’il ne pouvait supprimer.


VII

Mais ce partage de l’Empire, tout en annulant, dans sa partie essentielle, l’œuvre de Constantin, n’était pas le danger le plus grave. Il ne brisait que l’unité matérielle ! Bien plus grave était le danger qui menaçait l’unité morale de l’Empire avec le Christianisme triomphant. Il n’est pas douteux, — et il le dit lui-même dans un édit que nous citerons plus loin, — que Constantin s’était approché du Christianisme et l’avait favorisé avec l’idée de reconstituer l’unité morale de l’Empire, brisée par la lutte mortelle entre païens et chrétiens. Constantin était encore trop un homme politique d’idées anciennes, pour ne pas considérer, à la romaine, la religion comme un instrument de la politique. Parce que le Christianisme désormais était plus répandu et plus fort que le Paganisme, la sagesse politique devait accélérer la christianisation de tout l’Empire. Mais le Christianisme n’était pas une religion qui pût servir d’instrument politique, dans les mains de l’Etat, comme les différentes religions païennes. Il avait une morale et une doctrine toutes à lui, indépendantes, et qu’aucun État ne pouvait modifier pour ses fins politiques. Constantin ne tarda pas à s’en apercevoir quand les hérésies, longtemps limitées par les persécutions, éclatèrent comme une force destructive de la paix et de l’ordre, aussitôt que le Christianisme triompha avec son aide et son appui. Ce n’est pas exagéré de dire que Constantin, en cherchant à reconstituer l’unité de l’Empire avec l’aide du Christianisme, y a introduit une nouvelle force dissolvante : les disputes théologiques. L’histoire de la grande hérésie arienne en est la