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équivoque d’une diarchie, dans laquelle la puissance des deux empereurs était limitée seulement par la défiance et la peur réciproques.

Mais ce ne fut qu’une longue trêve. Le système de Dioclétien une fois détruit par l’absence d’un Auguste qui le dominât par son autorité, les ambitions des deux empereurs et des deux cours concouraient avec la force des choses à pousser l’Empire vers la monarchie unitaire et héréditaire. Dans ces neuf ans, les deux empereurs se préparèrent à la lutte décisive de toutes les manières, organisant des armées, cherchant des alliés, et surtout exploitant la lutte entre l’ancienne religion mourante et la nouvelle, qui avec tant d’énergie la supplantait. Constantin s’efforça de toutes les manières de s’assurer l’appui de l’élément chrétien ; Licinius, par opposition, changea sa politique précédente et s’appuya sur l’élément païen. Lorsque la guerre éclata, en 323, Constantin ne représentait pas seulement l’Occident contre l’Orient ; il portait avec lui les vœux des chrétiens contre son rival, que regardaient avec confiance et sympathie les païens. On sait que la victoire sourit au champion des chrétiens. Le 3 juillet 323 les deux armées se rencontrèrent dans la plaine d’Adrianople ; Licinius fut battu, et après avoir combattu avec énergie, il se renferma dans Byzance, qui barrait la route terrestre de l’Asie comme sa puissante flotte barrait celle de la mer. Mais la flotte de Constantin était commandée par le fils aîné de l’empereur, Crispus, qui, encore, très jeune s’était déjà distingué en de précédentes opérations contre les Francs et avait reçu le titre de César. Crispus battit l’armée de Licinius à l’entrée de l’Hellespont. Licinius alors abandonna Byzance et tenta de barrer à Constantin les voies de l’Asie-Mineure. Mais entouré par l’ennemi, il dut se battre auprès de Chrysopolis (Scutari), où il fut de nouveau vaincu (18 septembre 324). Il se rendit alors au vainqueur, qui, tout en lui ayant promis la vie sauve, le fit tuer l’année d’après.


V

Avec cette victoire les derniers vestiges du système de Dioclétien tombaient, et la monarchie héréditaire pouvait finalement gouverner tout l’Empire, dont l’unité avait été reconstituée. Cette fois, le fruit semblait mûr ; et la longue évolution