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L’ŒUVRE DE LA FRANCE EN SYRIE.

entre les deux villes est de 400 kilomètres à vol d’oiseau. Il règne bientôt un hiver rigoureux. La neige tombe en abondance, parfois sur deux mètres d’épaisseur ; les communications de l’armée du Levant deviennent dangereuses et incertaines ; nos forces, déjà minimes, vont en diminuant, et la démobilisation de la classe 18 va priver, du jour au lendemain, le corps d’occupation de 5 000 de ses hommes les plus instruits. Quelques renforts arrivent cependant, mais aux fameux effectifs reconnus nécessaires en octobre, il manque encore neuf bataillons, deux batteries, quatre escadrons, et la presque totalité d’une aviation qui aurait été si utile.

C’est alors qu’éclate en janvier le violent incident de Marache. La sédition avait été préparée entièrement par les Turcs, et elle eut pour occasion des mesures de police prises vis-à-vis de certains récalcitrants. En quelques instants, la ville entière était soulevée et le massacre commençait. C’était le début de troubles qui devaient se propager rapidement, et devenir une guerre véritable avec le Nationalisme turc.

Marache est assiégé du 21 janvier au 9 février ; la garnison, fortifiée dans la ville haute, doit être secourue à tout prix, mais les moyens manquent. Il faut créer des disponibilités. Un régiment de tirailleurs débarqué à Beyrouth le 10 janvier est rembarqué le 15 pour Mersine ; il y est ajouté le seul bataillon de réserve disponible dans toute la Syrie qui se trouve entièrement démunie. À partir de ce moment jusqu’en juin, l’armée du Levant va être contrainte de vivre au jour le jour en restant à la merci des circonstances ; des bataillons sont transportés en toute hâte sans qu’on puisse embarquer leurs équipages, des unités de marche sont constituées avec des renforts à peine arrivés et amalgamés ; il est fait appel au concours des unités de débarquement de nos bateaux de guerre, et, on peut bien l’avouer aujourd’hui, il est constitué à Beyrouth, pour la défense de la place, une compagnie de garde avec les ordonnances des officiers et les employés militaires... Voici la fraîche et joyeuse campagne qu’une certaine presse accuse les « militaires d’entretenir là-bas pour y soigner leur avancement... » La suite du récit est plus édifiante encore à ce point de vue.

Les troupes de secours de Marache arrivaient enfin à temps devant la ville sous la conduite énergique du colonel Normand. La gravité de la situation, les rigueurs de la saison rendant le