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L’ŒUVRE DE LA FRANCE EN SYRIE.

vent encadrées par des officiers chérifiens et parfois appuyées par des troupes régulières. Ils répondent à une politique que résume le colonel Ruchdi Bey Safadi, ancien officier dans l’armée turque et commandant alors la 3e division chérifienne à Alep, qui prononce ces paroles au cours d’une communication officielle : « Puisque nous ne pouvons déclarer officiellement la guerre aux Français, inondons le pays de bandes qui les détruiront en détail ; elles seront commandées par nos officiers, et si certains trouvent dans cette lutte une mort glorieuse, les fils de ces héros deviendront les pensionnaires de l’État. »

Feyçal, en provoquant ces troubles pendant son séjour à Paris, poursuit un but plus immédiat, qui est de nous contraindre à l’entente avec lui, afin d’éviter de nouveaux embarras. Il en est personnellement convenu plus tard, au cours d’un entretien avec le général Gouraud. Il affirme d’ailleurs que sa seule présence à Damas ramènera le calme dans les esprits et la tranquillité dans les régions troublées.

À cette époque, il affecte d’être entièrement rallié à l’idée d’une collaboration avec la France. Tout un projet d’accord est mis au point, en décembre, entre M. Clemenceau et lui sur les bases suivantes : la France reconnaîtrait le droit des populations syriennes de se gouverner elles-mêmes à titre de nations indépendantes, et s’engagerait à les défendre contre toute agression étrangère ; de son côté, l’Émir réclamerait notre présence au nom de l’État syrien et accepterait le mandat français. Il nous demanderait en outre des conseillers investis de pouvoirs d’exécution et des instructeurs pour l’armée chérifienne. Il admettrait, enfin, de faire représenter l’État syrien à l’étranger par nos agents diplomatiques. Quant au Liban, sur lequel l’Émir abandonnerait toute prétention, il serait déclaré indépendant, sous le mandat français.

Cette collaboration loyale, Feyçal se faisait fort d’obtenir son acceptation par les populations de la zone Est. Il désirait simplement que le texte de l’accord restât secret afin de pouvoir travailler plus facilement les esprits. Ce projet devait le demeurer d’autant plus, à notre point de vue, qu’avant toute acceptation de ses termes et toute ratification de notre part, nous exigions de l’Émir qu’il donnât des preuves évidentes de son autorité, de sa capacité à gouverner et de sa loyauté envers la France. C’est dans ces conditions que Feyçal revint en Syrie au début de 1920,