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tout aperçu de la vie rhénane nous signale. Les Rhénans seront toujours plus sensibles aux résultats obtenus en commun dans des consortiums d’amures, aux satisfactions dont l’association est le principe, qu’aux résultats du sens critique individuel et, avouons-le, qu’à la progression de la personnalité politique et civique. Dans ce désir de mettre en commun leurs joies, leurs plaisirs, leurs intérêts, ils diffèrent à fond de certains Français d’aujourd’hui, que tant de siècles de frondes, de révolutions, d’émancipations, de prétentions à l’autonomie, ont surtout développés dans la direction d’une indépendance souvent excessive, accompagnée d’un individualisme ombrageux.

Ajoutons que les Rhénans ne sont pas habitués aux cercles de société où hommes et femmes mettent en commun dans la conversation des éléments d’esprit différents et complémentaires. Voyez-les dans les brasseries de leurs grandes villes, réunis autour d’une même longue table, les hommes dans le haut parlant de leurs affaires, et les femmes dans le bas s’entretenant de leurs ménages, sans que rien de commun à ces deux groupes les enlève le plus souvent à leurs préoccupations quotidiennes.

Tout cela est exact, mais d’une analyse incomplète. Il y faut ajouter qu’à cette heure, les Rhénans sont inquiets et mal salis-faits. Les qualités d’organisation que peut leur offrir la Prusse ne contentent pas pleinement leurs aspirations. Se doutent-ils que la fameuse culture, qui devait remplir leurs heures les plus libérées de souci, est décidément un pauvre aliment pour l’âme ? L’idéal de la grande fortune industrielle, symbolisée par un Stinnes ou un Thyssen, ne leur parait-elle plus aussi enviable que par le passé ? Ils ont d’autres besoins de l’activité et de l’âme que ceux qu’on ressent outre-Rhin.

Qu’est-ce donc à dire ? Et que veulent-ils que nous puissions leur donner, comme autrefois les administrateurs napoléoniens apportaient à la Rhénanie ce que les cœurs y désiraient obscurément ?

Nous n’en sommes plus à croire que la politique à laquelle s’intéresse le moindre de nos électeurs soit jamais leur fait, et ce n’est pas dans le domaine de la vie électorale que je chercherai le plus volontiers les directions que nous préconiserons.

De même ne croyons pas que les petites querelles de nos cénacles littéraires soient de nature à les entraîner. Il ne suffit pas de leur prêcher les Droits de l’Homme et du Citoyen, ni de