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Apprenant les projets de son père, Fabrice est subitement envahi par la vertu. Il empêchera ce mariage. Comment ? Ses fréquentations antérieures n’ont pas disposé son esprit à l’emploi de moyens directs et francs. Tout de suite, c’est à l’intrigue qu’il pense, c’est à la supercherie. Il mentira à tous, à son père comme aux autres. Justement, Mucarade est presque aveugle. Voilà qui est bien et qui servira. Fabrice ne se lamente pas sur cette quasi-infirmité, mais il en tire parti : il se fait passer aux yeux, presque éteints, de son père, pour un ami de l’enfant prodigue, comptant ainsi éveiller moins de soupçons en Clorinde et Franca-Trippa. Clorinde, elle, pendant toute la pièce, ne mentira pas une seule fois ; Fabrice, l’honnête homme, roulera d’imposture en imposture. Il s’attaque au frère. Pour le faire parler, il le grise. Fabrice a l’habitude de ces combats et sait que nul ne lui tiendra tête. Il a raison. Dans l’ivresse, son partenaire laisse échapper que Clorinde est connue au théâtre sous le nom de doña Cléopâtre. Fabrice triomphe, et devant son père et devant Clorinde, jette à celle-ci son nom de comédienne en pleine figure[1]. Le père s’écroule de douleur. Fabrice fait l’innocent et dit : « Quoi, vous ne saviez pas ? Oh ! pardon ! » Clorinde, elle, avoue et fait mine de partir.

La douleur de Mucarade est profonde. Il tombe dans un fauteuil :

C’est fini
Et, sous mon toit par elle un instant rajeuni,
Je sens de toutes parts revenir la vieillesse.

L’honnête Fabrice lui-même en est tout ému :

Pauvre père,
Suis-je bien dans mon droit quand je le désespère ?

se demande-t-il un peu trop tard. D’ailleurs, son doute dure peu, et, sans qu’on puisse tout à fait s’expliquer sa conduite, il veut perdre une première manche et

…piper les dés pour la revanche.

Piper les dés ! Passons. Sur ce simple espoir, il va replonger son père dans la honte d’où il l’avait à moitié tiré, et voilà qu’il prend la défense de Clorinde ;

  1. Version de 1860.