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ayant suivi, à vingt-quatre heures de distance, les acclamations qui avaient accueilli ces fermes paroles, M. Raoul Péret semblait désigné pour prendre, dans les circonstances actuelles, la Présidence du Conseil. Nul plus que moi n’a regretté l’échec de sa tentative; mais jeune, intelligent, laborieux, il demeure une précieuse réserve pour le pays. Après l’insuccès de cette première combinaison, le Président de la République s’est adressé à M. Briand et M. Briand, depuis longtemps passé maître dans l’art de dénouer les crises, a rapidement formé son ministère.

Il l’a constitué, sans doute, suivant les vieilles recettes parlementaires et la première impression n’a pas été très favorable. On a senti que plusieurs des nouveaux ministres étaient beaucoup moins choisis pour leurs aptitudes et pour leur compétence que pour leurs attaches avec certains groupes, il a semblé que l’auteur de cette construction de style composite eût surtout la préoccupation de ménager un peu tout le monde. Ce qui a paru le plus singulier, c’est que, malgré tous les périls d’un déficit croissant, le Cabinet, qui a le devoir de donner l’exemple de l’économie, offrit aux Chambres, comme don de joyeux avènement, une luxuriante floraison de sous-secrétariats d’État. Je n’ai pas la candeur de croire qu’il suffit d’éteindre quelques bouts de chandelle dans les antichambres ministérielles pour sauver nos finances, et ce n’est pas la suppression de cinq ou six secrétaires d’État qui nous permettra d’équilibrer le budget. Mais un gouvernement n’a pas seulement l’obligation de réduire les dépenses; il a des leçons de moralité à donner ; et, lorsqu’au lieu d’enseigner l’épargne, il a l’air de recommander la prodigalité, il manque à une partie de sa mission. Un sous-secrétariat d’État, d’ailleurs, ce n’est pas seulement l’établissement d’un demi-ministre, à la tête d’un service qui serait, en général, mieux dirigé par un fonctionnaire expérimenté ; c’est la constitution d’un cabinet, avec un chef, un sous-chef et des attachés ; c’est une multitude de frais accessoires qui viennent se cristalliser autour du noyau central.

Et puis, avouons-le, on a trop souvent, dans la composition du nouveau Gouvernement, procédé par voie de compensation. Je veux dire qu’à un ministre radical on a adjoint un sous-secrétaire d’État conservateur ou modéré. Ici, on a mis un peu plus d’eau dans le vin, là un peu plus de vin dans l’eau; et l’on a espéré que ces mélanges variables contenteraient également les buveurs d’eau et les buveurs de vin. Il se peut. Mais ces dosages ont, tout de même, à l’heure grave où nous sommes, quelque chose de futile.