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cœurs et la solidarité des intérêts préparent une alliance franco-belge. Les services et les souffrances de la Belgique ne seraient-ils pas suffisants pour entrer en balance avec une tradition, si désuète et surannée soit-elle, du Foreign Office ?

Il est à peine besoin de dire que les Anglais n’ont pas les mêmes raisons que nous de croire à la permanence d’un péril allemand pour leur race et leur pays ; ils ont lutté à fond contre l’Empire, parce que si l’Allemagne avait écrasé la France, elle aurait absorbé l’Europe continentale et revendiqué la suprématie maritime et économique ; de l’Allemagne ancienne, ce que redoutait d’abord l’opinion britannique, c’étaient ses ports et la formidable concurrence qui en sortait. Le tonnage de Hambourg n’avait-il pas dépassé celui de Londres ? Mais les échanges entre les deux pays se montaient chaque année à des chiffres énormes ; l’Allemagne, venait en très bon rang parmi les clients du commerce anglais. Puissante machine à produire, supérieurement outillée et scientifiquement dirigée, elle inquiétait ses rivaux britanniques, mais elle entraînait dans le formidable mouvement de sa production et de ses échanges les intérêts des autres nations. Son arrêt brusque et presque complet eut son contre-coup sur la vie économique de l’Angleterre. L’intérêt immédiat de celle-ci est que l’Allemagne se remette à produire et à consommer ; elle est le bon client qui, ayant cessé d’être dangereux, demande à être ménagé ; c’est ce genre de sollicitude intéressée qui transparait à chaque ligne du livre de M. Keynes. La politique britannique à l’égard de l’Allemagne s’inspire de la double constatation que la production allemande fait défaut à l’équilibre économique du globe et que cette production, pour ne pas redevenir dangereuse, doit être en quelque sorte contrôlée et canalisée par l’Angleterre. Déjà les banques et les grandes firmes du Royaume-Uni ont acquis d’importantes participations dans de grandes affaires allemandes ; mais c’est surtout par une politique des ports que l’Angleterre cherche à s’assurer une puissante emprise sur le renouveau économique de l’Allemagne. Les ports de l’Allemagne, ce sont ses fleuves, dont les larges estuaires pénètrent très avant dans ses plaines basses où circule sans obstacles tout un réseau de canaux.

Rien n’a été omis dans le traité de Versailles pour ouvrir au commerce international les grands fleuves allemands qui tous,