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en prévoir la formation, procèdent l’une et l’autre, en dépit de leur contradiction apparente, du fait primordial de l’insularité qui explique pour une si large part le caractère de l’Anglais et l’organisation de sa vie économique. La tradition de sa politique s’éclaire et se justifie par la continuité de ses intérêts, et sa fixité même engendre ce qu’elle a parfois de pesant et d’incompréhensif. Le manque d’une pression continue sur une frontière de terre, l’absence de ces ruines de tout âge qui, dans nos campagnes.et dans nos villes, attestent de génération en génération les maux de l’invasion, font que l’Anglais ne connaît que pour sa marine la loi de l’effort permanent, de la vigilance toujours en éveil. Contre un péril allemand qui réapparaîtrait demain, nous le trouverions prêt à passer la Manche, mais il n’a plus aujourd’hui conscience du péril allemand. Avant la guerre, l’ « entente cordiale » ne s’est pas transformée en alliance, parce que l’opinion anglaise ne voulait pas voir le danger, pour n’avoir pas à faire l’effort d’y parer. Encore en juillet 1914, des hommes politiques anglais, et non des moindres, se persuadaient de la supériorité de la race germanique dans ses deux grands rameaux allemand et anglo-saxon ; l’avenir de la civilisation, c’était le germanisme. La déclaration de guerre de l’Allemagne ne suffit pas à dessiller tous les yeux ; sans la violation de la Belgique, l’Empire britannique ne serait peut-être entré en guerre que plus tard ; mais c’est un axiome que l’Angleterre fait la guerre pour Anvers, « pistolet chargé au cœur de l’Angleterre. »

L’alliance de fait, signée avec le sang des héros dans la plus noble des fraternités d’armes, n’a pas eu d’autre traduction écrite que le pacte de Londres, qui n’est pas un traité d’alliance. La victoire gagnée, « l’homme de la rue » anglais ne s’étonnera pas que l’alliance, née du péril, prenne fin avec lui et que la politique britannique retourne à son isolement. C’est la tradition. Il ne faut pas de Puissance prépondérante sur le continent. La guerre contre l’Allemagne a révélé que le Cabinet de Londres fut mal inspiré, en 1871, en laissant amoindrir et mutiler la France ; ce fut une faute dans laquelle il importe de ne pas retomber ; il faudra donc éviter de laisser trop diminuer l’Allemagne. Ce raisonnement, qui pèche par la base, puisque l’Allemagne est encore beaucoup plus peuplée que la France, c’est nous qui la mettons en forme ; maison en trouve