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avantages d’une « alliance franco-britannique. » Les chefs des deux gouvernements font les efforts les plus énergiques pour arriver à une entente et à une action communes. En présence d’une Europe disloquée, troublée, de traités inexécutés, du bolchévisme belliqueux et menaçant, de difficultés économiques et financières universelles, la nécessité d’une étroite solidarité s’impose aux vainqueurs de la guerre, plus impérieuse, plus évidente. Nous ne chercherons, ici, qu’à apporter à cette œuvre de salut le modeste concours de quelques observations et réflexions.


I

« L’entente cordiale » entre l’Angleterre et la France est née du commun péril allemand. Elle s’est réalisée par la volonté d’Edouard VII et la bonne volonté de M. Delcassé.

La politique britannique, qui a toujours combattu toute hégémonie européenne et recherché l’alliance de la seconde Puissance continentale contre la première, fut lente à découvrir le péril germanique ; elle était, elle est encore, bien qu’à un moindre degré, héréditairement conduite par un petit nombre de familles qui se transmettent, avec le privilège du pouvoir, des traditions fortes et salutaires, mais qui parfois, faute de s’adapter assez vite à des situations nouvelles, se figent en formules périmées et en préjugés désuets. Lord Chatam avait dit en 1762 : « La seule chose que l’Angleterre ait à craindre ici-bas, c’est de voir la France devenir une Puissance maritime, commerciale et coloniale ; » la politique britannique vivait sur cet axiome bien des années encore après 1870. Une Allemagne très forte lui paraissait indispensable pour faire obstacle à l’invasion cosaque que redoutaient Palmerston et Disraeli, et c’est pour faire pièce à la Russie que l’Angleterre commit en 1878 l’insigne erreur d’introduire l’Allemagne dans les affaires de l’Orient ottoman, Pour éclairer les hommes d’Etat anglais, il fallut des provocations claires et réitérées, l’apparition sur les mers d’une puissante flotte allemande, les coups droits de Guillaume II : « Notre avenir est sur l’eau ; » « Le pouvoir impérial implique le pouvoir sur mer » (15 décembre 1898).

Cette persévérance à combattre toute hégémonie continentale, en même temps que cette lenteur à en discerner et à