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présentés dans leur relief les savoureux récits d’Erkmann-Chatrian. Ces détails sont à l’origine de la vie sociale du Rhin au XIXe siècle, et les plus propres à nous la rendre intelligible. Bien loin de les croire superflus, je désirerais qu’ils fussent multipliés avec méthode. Le beau sujet, pour des étudiants qui voudraient rechercher des documents précis (témoignages contemporains, portraits, écrits signés dans les archives, dans les familles), et lire à même en quelque sorte sur ces territoires. Taine aurait aimé étudier certaines familles, les suivre dans leurs diverses branches d’après des souvenirs et des traditions exactes. Ce sont de même des lumières sur la manière dont se crée une civilisation que je demanderais aux enquêtes que j’entrevois et qui nous montreraient quelle classe d’hommes arrive au pouvoir local en Rhénanie au début du siècle, de quelle qualité, en vertu de quelle organisation et comment ces nouveaux venus prennent en main les affaires publiques. Il y a de saisissantes monographies à tracer de ces Français-Rhénans qui furent suscités par les mesures de notre administration et qui fondèrent l’industrie du pays. J’ajoute, ce qui est bien fait pour intéresser les jeunes travailleurs qui m’écoutent et auxquels je me permets de m’adresser, que parmi ces notables, parmi ces industriels et ces commerçants, qui tinrent les clefs et ouvrirent les voies, il faut citer des Alsaciens. Ainsi ce Laurent Jecker, inventeur d’un procédé de fabrication des aiguilles, qui installa une fabrique à Aix-la-Chapelle, avec les frères Migeon de Charleville, et vendait, dit-on, vingt pour cent meilleur marché que les autres fabricants. Ainsi encore Jean Guillaume Rautenstrauch qui, né en 1791 à Strasbourg, s’établit à Trêves en 1824 pour y fonder un des commerces de peaux les plus importants du continent, et devint le président de la Chambre de commerce.


Voilà l’œuvre française. Une œuvre bien méditée et bien appliquée, qui se propose de libérer l’élan du travail, de développer la prospérité et le bien-être, d’assurer l’harmonie et l’équilibre, enfin de créer le sentiment du devoir civique et des responsabilités municipales. Napoléon et ses administrateurs n’ont rien épargné pour développer l’industrie de la basse vallée du Rhin, pour tirer parti de la fertilité du sol rhénan, mais ils ont voulu que ce développement de la vie économique fût aussi le