Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 61.djvu/441

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
Chronique n° 2130
14 janvier 1921
CHRONIQUE DE LA QUINZAINE [1]

Voici donc que le « Conseil suprême » va délibérer de nouveau le 19 janvier et, cette fois, à Paris. Puisque nous n’avons pas encore renoncé à ces réunions d’apparat, souhaitons, du moins, que celle-ci ne soit pas trop écourtée et que les Gouvernements alliés, toujours pressés de retourner à leurs affaires respectives, n’y traitent pas hâtivement les nombreuses et graves questions demeurées en souffrance. S’ils ont la légitime ambition de se mettre d’accord sur tout, ce n’est pas en quelques heures qu’ils pourront résoudre les problèmes posés, et, s’ils abordent plusieurs sujets sans pousser leur examen jusqu’à la décision, ils laisseront derrière eux, à la clôture de la conférence, des déceptions nouvelles. Ils ont choisi une méthode; ils ont abandonné les vieilles traditions diplomatiques ; ils ont réduit au minimum le rôle de leurs ambassadeurs ; ils ont pensé que dans le bouleversement actuel du monde, ils devaient agir par eux-mêmes, se rencontrer, discuter ensemble sans intermédiaires. Je persiste à trouver cette procédure très périlleuse. Mais, puisqu’on l’a cependant adoptée et puisqu’on n’en change pas, est-ce trop demander qu’on l’applique enfin jusqu’au bout et qu’on en accepte les conséquences logiques ? Si M. Lloyd George, M. Giolitti, ou leurs représentants, viennent, avec ou sans les autres délégués des Puissances alliées, engager au quai d’Orsay une conversation fiévreuse, prendre part à deux ou trois repas officiels, et signer une déclaration commune sur le marchepied de leur wagon, nous ne serons pas beaucoup plus avancés à la fin du mois que nous le sommes aujourd’hui. Lorsqu’il s’est agi, en 1919, de rédiger le traité de paix, les chefs de gouvernements ont déjà voulu fare da se et ils ont préféré ne pas confier à des diplomates une œuvre de diplomatie. Mais, du moins, ils se sont

  1. Copyright by Raymond Poincaré, 1921.