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— C’est à propos de cette mission que vous vouliez me consulter ? demanda Archer.

M. Rivière baissa la tête :

— Je voudrais, si vous le permettez, vous parler de la comtesse Olenska.

Archer savait depuis quelques instants que ce nom allait venir, mais quand il vint, le sang lui monta aux tempes comme s’il avait été frappé par une branche rebondissant dans un fourré.

— Et dans l’intérêt de qui faites-vous cette démarche ?

M. Rivière répondit hardiment :

— Je pourrais dire dans son intérêt à elle, si ce n’était manquer aux convenances. Disons plutôt : dans l’intérêt de la simple justice.

Archer le regarda d’un air ironique.

— En d’autres termes, c’est vous qui êtes le messager du comte Olenski ?

Le visage bistré de M. Rivière se colora à son tour.

— Pas vis à vis de vous, monsieur. Si je viens vous voir, c’est en me plaçant sur un tout autre terrain.

— Je ne vous comprends pas. Êtes-vous, oui ou non, un mandataire ?

Le jeune homme réfléchit.

— Ma mission est terminée. En ce qui concerne Mme Olenska, elle a échoué.

— Je n’y peux rien, reprit Archer, sur le même ton d’ironie.

— Non, mais vous pouvez…

M. Rivière s’arrêta, examina la doublure de son chapeau, qu’il tournait dans ses mains gantées ; puis, levant les yeux vers Archer, il reprit : — Vous pouvez, monsieur, j’en suis convaincu, user de votre influence pour qu’elle échoue, de même auprès de la famille de Mme Olenska.

Archer repoussa sa chaise, se leva d’un bond.

— C’est bien ce que j’ai l’intention de faire ! s’écria-t-il. Il regardait de haut en bas, avec courroux, le petit Français qui s’était levé aussi.

M. Rivière pâlit.

— Comment, éclata Archer, avez-vous pu croire, puisque vous paraissez vous adresser à moi comme parent de Mme Olenska, que je me placerais à un autre point de vue que celui de sa famille ?