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— Cet endroit est horrible ! Pourquoi n’allons-nous pas sur la baie ? La brise s’est levée, nous aurons moins chaud. Nous pourrions prendre le bateau jusqu’à Point-Arley.

Elle hésitait ; il continua :

— Le lundi, il n’y aura pour ainsi dire personne sur le bateau. Mon train ne part pas avant le soir : je retourne à New-York. Qui nous empêche ? insista-t-il ; et debout, il la regardait. Brusquement, ces mots lui échappèrent : — N’avons-nous pas fait tout ce que nous avons pu ?

— Ne dites pas cela !

— Je dirai ce que vous voudrez. Je ne dirai rien, si vous l’ordonnez. Quel mal y aurait-il à cette promenade ? Tout ce que je veux, c’est vous entendre, dit-il d’une voix mal assurée.

Elle tira une petite montre d’or attachée à une chaîne émaillée.

— Ne mesurez pas les minutes, s’écria-t-il, soyez généreuse, donnez-moi une journée. Je veux vous arracher à cet homme… À quelle heure doit-il venir ?

— À onze heures.

— Alors, venez tout de suite.

— Vous n’avez rien à craindre, même si je ne viens pas.

— Ni vous non plus… si vous venez. Je vous jure que je veux seulement vous écouter, savoir ce que vous avez fait depuis que je vous ai vue.

Une anxiété dans le regard, elle hésitait encore.

— Pourquoi n’êtes-vous pas venu jusqu’à la plage me chercher, le jour où j’étais chez ma grand’mère ? demanda-t-elle :

— Parce que vous ne vous êtes pas retournée. Parce que vous n’avez pas senti que j’étais là. Je m’étais juré de ne vous parler, que si vous vous retourniez.

— Mais c’est exprès que je ne me suis pas retournée.

— Vous saviez que j’étais là ?

— Je le savais. J’avais reconnu la voiture de May. Et je suis descendue sur la plage.

— Pour vous éloigner de moi le plus possible ?

Elle répéta à voix basse :

— Pour m’éloigner de vous le plus possible.

Il répondit, avec un rire jeune et joyeux cette fois

— Eh bien ! vous voyez que c’était inutile ! J’aime mieux vous dire tout de suite que, si je suis venu à Boston, c’est uni-