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de l’internationalisation de Fiume et devant le parti pris du Président des États-Unis d’obtenir davantage pour les Yougoslaves. Alors recommencent les reproches à l’Angleterre et à la France, surtout à la France : les Alliés ont mollement soutenu auprès de l’associé la cause italienne ; ils n’ont pas rendu justice à l’aide reçue de l’Italie pendant la guerre, à son intervention spontanée, à ses sacrifices, au surcroit d’effort que lui avait imposé la défection russe ; ils ont manqué envers elle aux devoirs de la gratitude en lui refusant Fiume, ville italienne ; ils ont eu beau jeu en s’abritant derrière le président Wilson pour ne pas même remplir les engagements de la Convention de Londres. Voilà donc pourquoi la France et l’Angleterre à sa suite avaient été à Fiume, pourquoi le Gouvernement français y avait installé une base ! Combien fallait-il avoir été naïf pour ne pas le comprendre de prime abord ! Et ainsi de suite. Aux gens déçus et mécontents, le sort d’autrui parait toujours enviable. Aussi toute question intéressant la France ou l’Angleterre et déjà réglée par la Conférence est-elle dès lors considérée par les Italiens comme résolue à la pleine satisfaction des Français et des Anglais. Que l’impérialisme français triomphe sur le Rhin devient notamment un axiome. Et cet axiome rend plus cuisant l’échec infligé à des revendications italiennes, auxquelles les intéressés dénient tout caractère impérialiste.

Ces griefs ne tenaient aucun compte de notre situation. Il ne dépendait pas de nous de convertir le président Wilson à l’exécution de la Convention de Londres. Tout ce que nous pouvions était de nous reconnaître tenus par elle et c’est ce que nous avons fait. Notre politique à cet égard s’est toujours inspirée de la même pensée que cette boutade de M. Lloyd George à M. Wilson : « Vous parlez sans cesse de vos principes ! Vous n’empêcherez pas qu’il en existât un avant : c’est de faire honneur à sa signature. »

Il dépendait de nous en revanche de nous déclarer consentants aux visées de l’Italie sur Fiume. Dès l’instant que nous devions, — on le verra, — en arriver là par degrés, peut-être eût-il mieux valu commencer par là. Mais, de toute façon, notre vote favorable n’aurait pas entraîné celui de M. Wilson : aucun doute sur ce point. Nous n’aurions eu aucun moyen de vaincre son opposition et, aucune décision ne pouvant être prise qu’à l’unanimité des quatre plénipotentiaires, le résultat fût resté le