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et quelque chose en plus ; les États-Unis opposés aux revendications italiennes sur l’une, sur l’autre, et sur l’Istrie orientale ; la France et l’Angleterre tenues par leur signature à reconnaître à l’Italie toute l’Istrie et la Dalmatie, mais pas Fiume. Dans des conditions diplomatiquement aussi compliquées, la délégation italienne ne se flatte pas de triompher sur toute la ligne. Sur les concessions à faire, l’accord n’est pas aussi complet entre ses membres que sur la nécessité d’une solution honorable et satisfaisante dans l’ensemble. M. Orlando incline personnellement à sacrifier la Dalmatie à Fiume et à la préservation de l’italianité dans quelques centres, comme Zara. M. Sonnino sacrifierait plutôt Fiume à la Dalmatie, s’en remettant au temps pour remédier au sacrifice de la première ; il répugne surtout à s’écarter de la Convention de Londres, par laquelle il tient au moins deux des membres de l’aréopage parisien. Cette divergence empêche la délégation de se résigner sans atermoiements à une transaction, dont la Dalmatie fasse les frais au profit de Fiume.

L’ordre choisi pour la discussion des questions soumises à la Conférence rejette assez loin la délimitation des frontières italiennes. MM. Orlando et Sonnino en profitent pour chercher à négocier dans la coulisse.

L’attente n’a fait qu’exaspérer l’impatience de l’opinion publique italienne quand sont abordées les questions qui l’intéressaient directement. L’obsession adriatique est telle que l’obtention de la frontière du Brenner passe presqu’inaperçue. Ce résultat essentiel, une frontière inexpugnable ; Trente, Trieste, les objectifs traditionnels de l’irrédentisme, tombèrent sur le tapis de la conférence sans procurer aux Italiens le moindre soulagement à leur fiévreuse expectative. Vient enfin ce que les correspondants de leurs journaux à Paris appellent dramatiquement leur « semaine de la passion. » C’est laisser prévoir aux lecteurs des tribulations. L’épreuve ne leur en est pas moins cruelle. C’est avec une amertume et une irritation croissantes qu’ils apprennent que M. Wilson mettait opposition à la réalisation de leurs vœux à Fiume et en Dalmatie ; que M. Lloyd George et M. Clemenceau, tout en se reconnaissant liés par la Convention de Londres, ne consentaient pas à leur accorder Fiume par-dessus le marché ; que même des transactions, tentées sur la base de concessions en Dalmatie en échange de Fiume, échouaient devant le refus des Alliés d’aller au-delà