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grève, et qu’il y a eu, en plusieurs points, des collisions avec la police. Mon informateur, qui connaît bien les milieux ouvriers, m’affirme que le mouvement a été provoqué par des agents allemands.


Mardi, 21 juillet 1914.

Le Président de la République consacre cette journée à la visite de Saint-Pétersbourg.

A une heure et demie, je vais l’attendre au débarcadère impérial, près du pont Nicolas. Le ministre de la Marine, le préfet de police, le commandant de la Place et les autorités municipales sont là pour le recevoir.

Selon les vieux rites slaves, le comte Ivan Tolstoï, maire de la capitale, offre le pain et le sel.

Puis, nous montons en voiture pour nous rendre à la forteresse des Saints-Pierre-et-Paul, qui est la Bastille et le Saint-Denis des Romanow. Selon l’usage, le Président va déposer une couronne sur la tombe d’Alexandre III, père de l’Alliance.

Escortés par les Cosaques de la Garde, dont les tuniques écarlates flamboient au soleil, nos équipages filent grand trot le long de la Néwa.

Il y a quelques jours, tandis que j’arrêtais avec Sazonow les derniers détails de la visite présidentielle, il m’avait dit en riant :

— On a désigné les Cosaques de la Garde pour escorter le Président. Vous verrez comme ils feront bien dans le paysage. Ce sont des gaillards superbes, terribles. Puis, ils sont habillés de rouge. Et je crois que M. Viviani ne déteste pas cette couleur.

J’avais répondu :

— Non, il ne la déteste pas ; mais son œil d’artiste n’en jouit vraiment que si elle est associée au blanc et au bleu.

Sous leur uniforme écarlate, ces Cosaques barbus, chevelus, hirsutes, sont en effet terrifiants. Lorsque nos voitures s’engouffrent avec eux sous le portail de la forteresse, un spectateur ironiste, un amateur des antithèses historiques pourrait se demander si ce n’est pas à la prison d’État qu’ils conduisent ces deux « révolutionnaires » avérés et patentés, Poincaré et Viviani, sans me compter, moi, leur complice. Jamais