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Durant la nuit suivante, deux marins, qui, partis d’Athènes en fugitifs, cherchaient à regagner le Pirée et s’étaient égarés en chemin, furent odieusement assassinés dans une maison dite Kalithea, située près du tramway d’Athènes à Phalère et à mi-chemin environ des deux terminus de ce tramway. Cette maison était habitée par une femme d’origine française, mariée à un Grec. Voyant ces marins errants, elle leur offre un abri. Mais le gardien du Stand voisin de la maison a été témoin de cette scène ; il saisit son fusil, tire à bout portant sur ces deux malheureux, et, comme la femme proteste bruyamment contre ce forfait, l’assassin la menace de lui faire subir le même sort. La journée du 1er décembre, ensanglantée par tant d’autres épisodes, mérite donc bien d’être appelée la journée du guet-apens.

Celle du 2 décembre voit se dérouler toutes les horreurs des vengeances préparées par la clique gounariste contre les vénizélistes, du piétinement barbare du bourreau sur les victimes. Le bourreau, c’est l’état-major de Constantin ; les victimes sont les Grecs amis de l’Entente. Ce que fut ce piétinement, l’attaché naval nous le dit dans un de ses rapports.

« 3 décembre, — Ce matin encore, nous venons d’assister au spectacle humiliant suivant : un troupeau d’une centaine de vénizélistes, dont plusieurs ligottés, était encadré par des troupes armées, escortées par une populace avinée criant : « A bas la Francs ! » et insultant les victimes. C’était un spectacle écœurant et digne des journées de la Révolution. Mais ce qui est symptomatique, c’est que ce cortège a défilé intentionnellement autour de l’Ecole française. Nous avons pu y reconnaître tous les vénizélistes plus ou moins affiliés à notre service et, parmi eux, le fameux Laucas et le frère de l’amiral Bratsianos, tous deux sanglants, couverts de coups et d’injures. Dans la foule, on disait qu’on changeait de prison ce troupeau ; d’autres affirmaient qu’on le menait à la fusillade. Personnellement, je crois qu’on voulait faire à nos yeux une simple exhibition à titre d’avertissement.

« Tout cela est écœurant et douloureux, surtout quand on pense que la France avait pris ces hommes sous sa protection, que l’amiral avait officiellement assuré la sécurité des rues et en particulier celle de nos agents.

« Ce matin, l’automobile de l’amiral a été pris par les troupes régulières ; le chauffeur est prisonnier. On vient encore