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Lorraine, malgré les chroniques et la Satire Ménippée qui l’affirment, on peut l’en défendre. Les Guise, depuis la mère de François jusqu’à ses fils, accueillirent de très bonne grâce le remariage de la duchesse, et même accompagnèrent celle-ci à Annecy. D’habitude, on ne fait pas tant d’éclat pour un ancien amant monté, en grade, mais, au XVIe siècle, la délicatesse des mœurs est souvent rudimentaire. Quoi qu’il en soit de ce problème amoureux, la nouvelle duchesse de Nemours se montra dévouée à son second mari, comme elle l’avait été au premier.

Nemours, à trente-cinq ans, semblait au comble de la fortune. Cette union le devait doublement satisfaire. Elle l’autorisait aux prodigalités qu’il aimait et que la pauvre Rohan ne lui aurait point permises, et, mieux encore, aux ambitions les plus hautes, en même temps qu’elle réalisait au grand jour sa passion secrète. L’année suivante, un mal implacable s’emparait de lui pour ne le plus lâcher. Un premier accès de goutte le venait tenailler, et il allait en subir les renouvellements de plus en plus fréquents et cruels jusqu’à sa mort à 54 ans. Cependant il connut encore une heure brillante. Au moment de la seconde guerre civile (fin septembre 1567) le Roi s’était retiré à Meaux, prêt à y subir un siège. Sur le conseil de Nemours, il se résolut à s’ouvrir un chemin jusqu’à Paris. Nemours, malade, accepta néanmoins la dangereuse mission, — dont ne se souciait aucun autre chef, — de conduire la famille royale. Le 29 septembre à 4 heures du matin, il commande l’escorte et place au centre la reine mère et ses enfants. On se met en marche. La cavalerie huguenote attaque. Le duc met pied à terre et marche avec les Suisses qu’il rassure et excite, leur disant, selon le récit de Brantôme : « C’est avec vous, mes amis, que je veux combattre et mourir. Sus, marchons, et ne vous souciez. Ils ne sont pas gens pour nous, car nous retirerons en despit d’eux et si sauverons nostre roy et maistre. » Au premier rang, l’épée à la main, il intimide les chefs huguenots qui hésitent et reculent. « Sans luy, dit le roi, et ses bons compères les Suisses, ma vie et liberté estoient en très grand bransle. »

Ainsi pouvait-il aspirer aux plus hautes charges. Mais comme il avait accepté les responsabilités, — sauf les amoureuses, — il accepta la retraite à quoi le contraignait la maladie. Certes, on le retrouve encore dans les conseils du roi, notamment après la