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Bratiano de s’expliquer sur ses intentions. Le Président du conseil lui a répondu :

— J’hésite entre deux opinions. Ou bien le langage des agents allemands et austro-hongrois ne trahit chez leurs Gouvernements qu’un mouvement de mauvaise humeur, motivé par la question des blés roumains. En ce cas, il me sera facile d’accorder à l’Allemagne et à l’Autriche-Hongrie quelques satisfactions. Ou bien, ce langage est le prélude d’un ultimatum qui exigerait, par exemple, la démobilisation immédiate de notre armée. En ce cas, j’espère rester maître de notre opinion publique, et je repousserai l’ultimatum.

— Dans cette dernière prévision, a repris Poklewski, votre État-major devrait conférer immédiatement avec le nôtre. Il n’y a pas un jour à perdre.

Bratiano en est convenu ; il a ajouté :

— L’arrivée rapide d’une armée russe à l’embouchure du Danube nous serait indispensable pour nous couvrir contre une attaque des Bulgares dans la Dobroudja.

Sazonow, de qui je tiens ces détails, a prié le général Alexéïew d’étudier la question, sans retard.

L’arrière-pensée de Bratiano n’est que trop manifeste. Il veut laisser à la Russie la charge d’arrêter les Bulgares, afin de diriger tout l’effort de l’armée roumaine vers la Transylvanie, objet des ambitions nationales.

L’État-major russe pourra-t-il concentrer de nouveau une armée en Bessarabie ? J’en doute, d’après une conversation téléphonique que Sazonow vient d’avoir, devant moi, avec le Ministre de la guerre. Le général Polivanow ne croit pas en effet qu’il soit possible de prélever sur le front une armée de 150 000 ou 200 000 hommes pour l’expédier vers la Moldavie ; les armées de Bukovine et de Galicie sont engagées dans une opération très rude ; on ne peut songer à les ramener en arrière, à 600 kilomètres de leur base actuelle.


Mardi, 25 janvier.

J’ai prié le Ministre de Roumanie, Diamandy, de venir déjeuner avec moi aujourd’hui et je lui représente, une fois de plus, les dangers de l’altitude équivoque dans laquelle se complaît son ami Bratiano :