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Au total, sur ces photographies convenablement agrandies et où un millimètre correspond à environ 3 kilomètres de la surface lunaire, il n’est pas un objet, pas une vallée, une colline, un accident quelconque du sol ayant 4 à 500 mètres de diamètre et qui puisse échapper à notre examen. Au contraire, sur notre terre, dans les régions polaires et dans tous les continents, sauf l’Europe, il y a des étendues de pays des dizaines et des centaines de fois plus grandes et que les géographes ne connaissent pas encore. Il est d’ailleurs évident qu’il y a une limite à l’agrandissement des clichés lunaires, limite au-delà de laquelle la visibilité des objets ne gagne plus rien, et qui est imposée par les dimensions mêmes des « grains » de la plaque photographique.

Au premier examen des photographies lunaires prises, par exemple au premier quartier, on remarque que la finesse et le modelé des détails augmente à mesure qu’on s’éloigne du bord circulaire du disque vers la ligne qui sépare la partie éclairée de la partie sombre, et qu’on nomme le « terminateur. »

C’est que, le long de celui-ci, le soleil est levant et les moindres aspérités du sol lunaire projettent au loin des ombres énormes qui accusent tous les accidents du relief.

Ces ombres sont comme coupées au couteau et bien plus nettes que les ombres projetées de nos paysages terrestres. C’est que d’abord l’air et l’eau ayant depuis longtemps disparu de la lune, le lent travail d’érosion et d’atténuation des angles que ces éléments font sur la terre n’a été qu’incomplet sur la lune. Partout les sommets des montagnes et les coupures des vallées y ont gardé la fière et rude noblesse de leurs lignes initiales. D’autre part, il n’y a pas sur la lune d’atmosphère qui, comme ici-bas, diffuse la lumière solaire et donne du flou et du moelleux aux ombres et aux arêtes des paysages éloignés. Cette absence d’atmosphère lunaire invisible a été démontrée par une foule de méthodes, notamment par la spectroscopie et par l’étude des occultations des étoiles derrière le bord de la lune, qui ont lieu avec une soudaineté extraordinaire et non progressivement comme ce serait le cas s’il y avait une atmosphère absorbante et réfringente.

De là cette netteté de vitrail, ce heurté dans les jeux d’ombre et de lumière, qui donne aux horizons lunaires leur étrange beauté.

Dans les régions éloignées du terminateur, le soleil est plus haut sur l’horizon, les ombres projetées moins longues et le paysage parait de plus en plus plat. C’est pourquoi les photographies de la pleine lune,