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REVUE. — CHRONIQUE.

de président de la Conférence des ambassadeurs, a envoyée, le 20 octobre, à l’ambassadeur d’Allemagne et au ministre de Pologne, n’était malheureusement pas aussi nette que l’eût désiré M. Briand, président du Conseil de France. Elle se terminait ainsi : « Au cas où les Gouvernements intéressés, ou l’un d’entre eux, se refuseraient, pour une raison quelconque, à accepter tout ou partie de la décision, ou témoigneraient par leur attitude qu’ils s’efforcent de faire obstacle à sa loyale exécution, les Gouvernements alliés, considérant, dans l’intérêt de la paix générale, la nécessité de voir établi le plus rapidement possible le régime prévu, se réservent de prendre telles mesures qu’ils jugeront opportunes pour assurer le plein effet de leur décision. » Telles mesures ! On ne les précise pas, et l’Allemagne a, tout de suite, aperçu l’avantage qu’elle pouvait tirer de cette obscurité. Elle s’est dit que les Alliés n’étaient pas complètement d’accord sur ce qu’il conviendrait de faire, dans le cas où elle et la Pologne ne signeraient pas les conventions prescrites ; elle s’est rappelé les encouragements et les promesses qu’elle avait reçus de lord d’Abernon, et elle a pensé que la porte restait ouverte aux manœuvres et aux espérances. Quels que soient donc les hommes que le Reich mette à sa tête, la politique de fond reste sensiblement la même. À la surface, il y a des nuances. Ceux-ci sont plus réservés ou plus dissimulés ; ceux-là sont plus impulsifs et plus violents ; tous, ou à peu près, travaillent à l’anéantissement du Traité.

En réalité, bien avant la décision qui a été prise à l’endroit de la Haute-Silésie, l’Allemagne se proposait déjà de ne pas faire honneur aux prochaines échéances. Elle continue à se ruiner systématiquement par une inflation fiduciaire insensée, qui fait tomber de plus en plus le cours du mark. Pour remplir ses obligations de la première année, c’est-à-dire pour payer aux Alliés un milliard six cent cinquante millions de marks or, en plus de celui qu’elle devait au mois d’avril et qu’elle a si péniblement versé depuis, elle peut avoir à acheter, d’ici au 1er mai 1922, un milliard de marks or de devises étrangères. Avec des marks papier, qui ne valent plus qu’un trentième de marks or, elle devra donc débourser pour cette opération trente milliards de marks papier. Elle ne manquera pas de nous faire remarquer alors que, dans son budget, la totalité des ressources provenant des impôts représente trente milliards de marks papier et que, compte tenu des plus-values possibles, l’ensemble des rentrées ne dépassera vraisemblablement pas quarante-neuf milliards de marks papier. Elle prétendra donc qu’elle est dans l’impossibilité de fournir