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ainsi. Aux heures douloureuses de la liquidation de la guerre, pour veiller au relèvement de la France, alors que l’horizon du monde est encore coupé par les éclairs, le Parlement a choisi M. Millerand.

Le Parlement a donc eu le souci de porter son choix sur un homme qui avait déjà pris des responsabilités sans nombre, et qui, comme c’est l’honneur de la vie publique, avait suscité autour de lui, par son indépendance de pensée, le cortège des critiques quelquefois nécessaires. Est-ce simple coïncidence ? Ce choix, au contraire, montrerait-il en lui la trace du génie propre de notre race, si prompte à saisir, à comprendre, à discerner ? Le Président de la République ne porte pas de responsabilité constitutionnelle, ce n’est là qu’une absolution négative. Pour son honneur il porte en lui le tourment des responsabilités morales, et ce n’est pas la lecture austère de la Constitution qui suffira à lui donner le calme au jardin Elyséen. Au contraire des responsabilités politiques qui sont évoquées devant un Parlement auquel on parle, auprès duquel on peut faire appel, les responsabilités morales sont appréciées par l’Histoire, — qui s’écrit sur les tombeaux. Pour supporter ces responsabilités, l’intime connaissance des autres mêlées elles aussi aux tourments de la conscience n’est pas inutile. Le Parlement l’a pensé. De concert avec ce Parlement qui a, lui aussi, ses responsabilités politiques et historiques, qui a prouvé au temps de la guerre qu’il était capable de les porter, dans l’accord des volontés, et des consciences, M. Millerand saura mettre à la disposition de la Patrie en des heures graves sa force d’âme et d’esprit — et aussi la force de son cœur.


RENE VIVIANI.