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France qui, pareils à Rivarol, dispersent leur esprit dans la journalière conversation et se fondent ainsi, comme le Rhin dans les sables.

Ils ont, comme tout Français, une imagination qui n’existe pas et n’a pas de corps par elle-même, si elle n’est mue par les accidents d’une vive contestation ou d’une émulation soudaine.

Les hommes méditatifs du moment sont rares. Cousin et Villemain ont besoin de leurs cours pour avoir du mouvement. — Brizeux a besoin de critique et est habile quand il a un corps à disséquer et analyser, — Victor Hugo prend partout et ne pense qu’à la forme. — Je ne vois que Lamartine qui n’ait besoin que de lui-même, et Ballanche, et peut-être moi, par haine de ce qu’ont fait les autres et par besoin de chercher en moi, dans mes entrailles, la source de mes inspirations ; par coutume de m’analyser moi-même.

Ô François premier, François premier, toi seul as compris les Français lorsque tu pris la Salamandre pour symbole ! — François, vrai Français ! tu vivais dans le feu ! Le feu est notre seul élément !


19 janvier.

J’ai lu l’Egmont de Gœthe. — Mauvais dénouement décousu et fait pour l’Opéra ; Ferdinand est trop allemand dans son amitié et hors du sujet. — Claire finit mal ; elle n’a qu’une scène charmante au troisième acte. Brackenbourg est une esquisse charmante dont Walter Scott a fait le portrait dans Tressilian de Kenilworth. — Albe est bien. — Silencieux, laconique. — Un beau dénouement est une rare chose et, quand il est beau, on s’aperçoit que c’est par une combinaison d’effets assez méprisable. — Jeu de marionnettes que le théâtre ! pas de place pour le développement des caractères et la philosophie !

Si vous aviez la force de comprimer le sentiment violent de colère ou de crainte, qui vous emporte comme un ballon fait sa nacelle ; si vous le comprimiez et l’étouffiez sur-le-champ par la pensée, qui examinerait attentivement la situation où vous êtes et, réfléchissant dessus, ferait taire le sang qui vous enivre le cœur et le cerveau ; si vous aviez cette force, vous ne seriez jamais criminel !

Une faiblesse criminelle est une sorte d’ivresse, son habitude est donc pareille à l’ivrognerie !