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Mais mon guide m’entraîne vers le corps principal du château, construit au temps de Sigismond Ier. Le portique à voûte cintrée qui y conduit me rappelle, par son ornementation, celui du palais Farnèse ; on reconnaît la main des architectes que Bona Sforza, duchesse de Bari, amena avec elle à la cour de Pologne. Lorsqu’on arrive au Cortile, on se trouve en pleine Renaissance italienne : noble proportion des deux colonnades superposées, élégance de l’ornement, simplicité harmonieuse du décor. Le long de l’architrave qui sépare les deux ordres, court une frise peinte où sont représentés les fastes de l’ancienne Pologne. M. Stryienski, qui est membre de la commission chargée de diriger les travaux de restauration, m’explique son dessein : « Cette frise, dit-il, ne s’étend que sur deux côtés du Cortile ; nous laisserons un intervalle, par respect pour les ancêtres, et nous compléterons le cortège, en groupant les personnages les plus caractéristiques de notre récente histoire. »

Dans un appartement du rez-de-chaussée sont exposés deux projets de restauration, élaborés par le même architecte. Le premier est une reconstitution aussi exacte que possible de l’ancien Wawel, tel que le révèlent les antiques fondations, les documents écrits et les estampes. Le second est une simplification hardie, mais heureuse : les grands édifices demeurent seuls debout ; le vaste terre-plein qui les sépare est entouré d’un portique bas et devient un Campo-Santo national, où se trouveront réunis les reliques et les symboles de toutes les gloires polonaises. Dans les deux projets, le corps principal du château abrite un musée, une bibliothèque et des archives ; dans le premier, les écuries et les anciennes cuisines, qui forment des bâtiments séparés, sont transformées en appartements pour le chef de l’Etat et en ateliers pour une école de beaux-arts ; tandis que, dans le second, le Campo-Santo reste seul sur la colline, avec le château et la cathédrale.

Si j’étais membre de la commission, mon suffrage irait à ce second projet, moins respectueux du détail ancien, mais plus conforme à la pensée de ceux qui bâtirent la citadelle et dorment aujourd’hui sous les plaques de bronze ou les dalles de porphyre. N’élevèrent-ils point le Wawel pour la défense de la Pologne, et pour sa gloire ? Comment remplir leur intention plus fidèlement, qu’en rassemblant, entre leur palais et leur tombe, les restes mortels ou les images de tous ceux qui, pour