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l’administration, aux travaux des commissions dont ils font partie. Mais nos jeunes professeurs s’efforcent d’acquérir ce qui leur manque et de se rendre dignes de leurs anciens : plusieurs d’entre eux continuent de suivre des cours à Cracovie et viennent y obtenir un diplôme d’agrégation auquel ils attachent un grand prix ; ainsi Cracovie reste pour la Pologne le grand centre d’études et l’Université-mère.

« La période agitée et passionnée que nous venons de vivre était peu propice à la production scientifique. Aucun historien nouveau ne s’est encore révélé ; les quelques ouvrages publiés récemment ont un caractère marqué de polémique ou de propagande : ce sont des œuvres de circonstance, ce n’est pas de l’histoire. Rien non plus de très nouveau au théâtre. Mais nous voyons le roman renaître sous une forme toute jeune et très réjouissante. Vous savez à quel point nos écrivains subissaient, jusqu’à ces dernières années, l’influence des romanciers russes. Le pessimisme qui, chez ces derniers, est une tendance de la nature, une conséquence directe du fatalisme oriental, apparaissait chez nous comme l’expression de nos longues infortunes et le triste témoignage d’une confiance ébranlée. Nos jeunes romanciers ont secoué allègrement cette obscure mélancolie, si contraire à notre tempérament national, et l’on voit éclater depuis peu dans la littérature polonaise un renouveau de confiance saine et joyeuse. Notre poésie s’inspire, comme toujours, de la tradition nationale et du patriotisme ; les vers naïfs et vigoureux de quelques légionnaires sont à retenir ; mais, chez nous aussi, les « chansons de tranchée » ont été trop souvent écrites par des guerriers en chambre. Enfin les lettres vivent. On n’en peut malheureusement pas dire autant de la recherche scientifique qui, dans la plupart de nos centres universitaires, se trouve complètement arrêtée par la destruction des laboratoires. Ici, comme à Lwow, comme à Poznan, tous les instruments ont été confisqués, volés ou brisés ; et il nous faudra quelque temps pour réparer tous ces dommages. »

Cependant les Polonais riches, fidèles à une des plus belles traditions de leur pays, n’ont pas attendu qu’on fit appel à leur générosité pour subvenir aux besoins les plus urgents des grandes écoles. On sait combien de « bibliothèques polonaises, » combien d’instituts scientifiques ont été fondés et sont entretenus par des particuliers. C’est encore à l’initiative privée que