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production scientifique et la réorganisation de l’enseignement en Pologne. « La guerre, m’a répondu le professeur Morawski, a beaucoup ralenti notre activité scientifique, dans tous les domaines ; des soins plus pressants, des nécessités plus immédiates absorbaient les esprits.

Nous souffrons encore aujourd’hui du manque de papier, du prix très élevé de l’impression et nous ne publions presque plus rien. Les Universités de Cracovie et de Lwow ont dû céder quelques-uns de leurs meilleurs professeurs aux Universités nouvelle m’ont créées à Lublin, à Poznan et à Vilna. Afin de pourvoir aux besoins de ces fondations nouvelles, on a dû nommer professeurs des jeunes gens de grand mérite, mais de courte expérience. Nous avons peu d’étudiants ; toute la jeunesse est aux armées. En revanche, les étudiantes sont très nombreuses : suivent-elles les cours par mode, par désœuvrement, ou par un désir louable de s’instruire ? Je n’en sais rien ; mais j’observe qu’en général elles travaillent peu, et je me demande avec quelque inquiétude quel usage elles feront de ce qu’elles auront appris. Mais voyez-vous, ajouta en souriant. M. Morawski, je suis vieux, peu enclin à l’optimisme, et je regarde désormais notre jeunesse avec des yeux toujours bienveillants, mais un peu étonnés : ses inclinations, ses goûts, me semblent si différents de ce qu’avaient été les nôtres ! Vous savez ce que furent pour les hommes de ma génération nos grands poètes polonais : ce que nous cherchions dans leurs ouvrages, ce n’était pas seulement une impression de beauté, mais un réconfort pour notre courage, un aliment pour notre espérance, des raisons d’aimer plus passionnément la Pologne et de croire plus fermement on ses destinées. Mon fils m’a avoué qu’en lisant nos poètes, il n’avait rien trouvé de tout cela. Ce qui était pour nous rêve et espoir est devenu pour nos enfants réalité ; désormais leur patriotisme se nourrit d’action, et ils appliquent leurs facultés de comprendre et de sentir à des objets nouveaux, qui n’étaient pas à la portée des nôtres. »

Le professeur Rostworowski, ancien recteur de l’Université de Cracovie, tout en reconnaissant les difficultés de l’heure présente, envisage l’avenir avec une entière confiance.

« Il nous manque des maîtres, m’a-t-il dit, et beaucoup de ceux qui naguère se consacraient tout entiers à l’enseignement doivent réserver aujourd’hui une partie de leur temps à la politique, à