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monde au Musée national polonais, parcourant les salles en silence, contemplant les tableaux d’histoire, s’arrêtant avec recueillement devant les reliques de Kosciuszko et de Mickiewicz…

Cette piété, religieuse et patriotique, éclate encore aujourd’hui dans toutes les solennités polonaises. À Cracovie, durant l’octave de la Fête-Dieu, il y avait chaque jour une procession ; toute la ville y prenait part : personnages officiels, grands seigneurs en costumes d’autrefois, juste au corps de velours, longue rapière, manteau de fourrure et toque à aigrette ; bourgeois et paysans, chorales et musiques militaires ; au-dessus de la foule s’agitaient pêle-mêle les drapeaux aux couleurs nationales, les bannières des confréries et les pancartes couvertes d’inscriptions patriotiques. Le jeudi de l’octave, suivant une tradition séculaire, le cortège s’arrêta devant le palais Larisch ; une sorte de géant, habillé en Tatare, qui manœuvrait un cheval de bois, exécuta une danse étrange et violente, sans musique ; après quoi il rentra dans son cheval, et la procession se remit en marche. À Lublin, messes militaires sur la grand’place, devant l’ancienne église russe, bénédiction des drapeaux, serment prêté sur l’autel par les soldats qui vont partir au front. À Varsovie, au temps de l’avance bolchéviste, cortèges religieux dans les rues, cérémonies religieuses dans les églises. Nulle ne fut plus émouvante que la messe célébrée à la cathédrale par le cardinal Kakowski, le 14 juillet, en présence du ministre de France et des officiers de notre mission militaire ; autour du chœur et le long des nefs, nos drapeaux se mêlaient aux drapeaux polonais ; à l’orgue, la Marseillaise retentit ; du haut de la chaire, un prélat criait l’angoisse de la Pologne, son espoir en la France alliée et sa volonté de vaincre.

La Pologne ressuscitée est toujours la « catholique Pologne ; » sa foi religieuse, qui fut sa meilleure armure, sa plus ferme défense contre les assauts du Russe orthodoxe et de l’Allemand luthérien, ne reste pas seulement une tradition historique ; elle est une force vivante ; son clergé, actif et influent, est à la tête du mouvement social et ne demeure pas étranger au mouvement politique. La Pologne veut être un État démocratique ; elle ne recule point devant les réformes les plus radicales et les plus hardies ; mais elle entend rester, essentiellement, un État catholique.