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étaient singulièrement exagérées. L’enseigne de Béarn, placé sous les ordres de l’attaché naval français, envoyé sur les lieux pour se rendre compte de l’état des esprits, n’avait rien trouvé de suspect, ce à quoi aurait peut-être pu être objecté que « les oiseaux s’étaient envolés. »

A Athènes, Zaïmis laissait entendre que l’attitude de la cour l’inquiétait, qu’il préférait voir la Grèce occupée par les Alliés que par des Allemands ou des Bulgares : « Si les Alliés occupaient la Grèce, ce serait certainement désagréable pour elle, mais ils ne rencontreraient pas de résistance, car nous les considérons comme des amis et, au fond, nous n’avons pas peur d’eux. » C’était dire aussi clairement qu’il le pouvait qu’il ne verrait aucun inconvénient à ce que les Alliés devinssent les maîtres. C’est dans ce sens que Vénizélos interprétait ce langage. « Que vous faut-il de plus ? s’écriait-il en s’adressant aux ministres de l’Entente. On vous livre la Grèce. »

Le langage de Politis n’était pas fait pour infirmer cette interprétation. Appelé à s’expliquer, le secrétaire général du Ministère des Affaires étrangères déclarait qu’il était de l’intérêt de la Grèce d’affirmer sa neutralité en ne résistant à aucune mesure coercitive, qu’elle vint des Alliés ou qu’elle vint des Germano-Bulgares.

Mais en dépit de ces apparences, le désir de voir l’Allemagne triompher de l’Entente, — désir que l’Etat-major et le personnel de la Cour ne dissimulaient pas, — mettait le roi Constantin en fâcheuse posture, surtout lorsqu’on rapprochait son attitude des révélations qu’avaient faites les documents germaniques saisis par le service des renseignements.


III

Entre temps, l’activité des royalistes sur les électeurs s’exerçait sous toutes les formes. Le mot d’ordre était partout le même : « Voter pour Vénizélos, c’est voter contre le Roi, c’est voter pour la remobilisation et la guerre. » Ou négligeait d’apprendre aux ignorants que la Constitution interdisait de mêler le Roi à la lutte électorale, parce que, — d’après cette constitution, — le peuple était libre de choisir son orientation politique et le Roi obligé de la suivre, n’ayant aucun pouvoir pour imposer la sienne. L’Etat-major se prodiguait pour maintenir son