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contre les gouvernements alliés, il feignait d’ignorer tout ce qui était de nature à lui montrer la mainmise des Allemands sur lui-même et sur son pays. Tout ce qu’ils lui disaient était pour lui paroles d’Evangile, tout ce que lui disaient les Alliés était sujet à caution. C’est ainsi que l’attaché naval voyait dans le langage du Roi se confirmer tout ce qu’il avait appris depuis son arrivée à Athènes sur les dispositions de ce prince et c’est pour cela que, par la suite, les promesses du gouvernement royal le laisseront incrédule.

Quelques semaines après la remise de la note collective, les engagements pris par Zaimis le 23 juin étaient pour la plupart éludés. Pour une cause ou pour une autre, ils semblaient oubliés. Fixées au 4 septembre, comme on l’a vu, les élections n’étaient décidées qu’en principe ; le décret de dissolution ne devait venir qu’après que les troupes auraient été démobilisées. Donc, si la Chambre gounariste était prorogée, elle n’était pas dissoute. Elle avait encore une existence légale. Les élections d’ailleurs inquiétaient par avance le parti royaliste ; il redoutait que le général Sarrail imposât par la force les candidats vénizélistes et c’est pour conjurer ce danger que le roi Constantin négociait secrètement à Sofia pour appeler les Bulgares en Grèce, ce qui était un moyen facile de ne pas tenir les promesses de ses ministres. Ou bien les élections auraient lieu, et la présence des Bulgares ferait élire une majorité royaliste, ou bien on déclarerait les élections impossibles à cause de la guerre qui désolait le pays. Ainsi l’ancienne Chambre resterait en fonctions, parce qu’il fallait bien en avoir une ; et ce serait du temps perdu pour l’Entente.

De leur côté, les Vénizélistes n’opposaient pas à ces manœuvres l’activité nécessaire ; ils pratiquaient la tactique des bras croisés. Ils attendaient tout de leur chef et de l’intervention de l’Entente. Vénizélos, enfermé dans sa retraite, gémissait sur les mauvais jours que traversait la Grèce. « Si j’étais resté au pouvoir, disait-il, rien de tout cela ne serait arrivé. » Que n’y était-il resté ?… Cette question venait naturellement sur les lèvres de ses auditeurs ; mais il pouvait rappeler que lorsqu’il avait demandé aux Alliés si, dans le cas où il demeurerait au pouvoir, ils soutiendraient son gouvernement, la réponse avait été négative. Cet état ne pouvait se prolonger ; les Puissances alliées ne le permettraient pas. Mais en attendant,