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En passant, il se plaint du service de renseignements organisé par les Anglais. « Il est dirigé, dit-il, par une espèce de romancier à la Scherlok : Holmes qui s’appelle Mackensie : c’est pour répondre à ce service de sûreté anglais que les Allemands ont créé le leur. » Cette affirmation était fausse, celui des Allemands existait avant celui des Anglais et s’était donné pour but d’abattre le parti vénizéliste, de détruire la liberté d’action des Alliés, autrement dit de violer la neutralité de la Grèce. L’entretien s’engagea ensuite sur la police grecque ; l’attaché naval insinua qu’il s’y trouvait des agents allemands, ou tout au moins des policiers grecs qui parlaient la langue germanique. « C’est possible, répliqua le Roi, de même qu’il y a des Grecs qui portent des noms allemands. J’ai connu un colonel qui s’appelle Hoffmann et qui ne sait pas un mot de cette langue. » L’affirmation n’était pas heureuse ; elle était le contraire de la vérité et M. de Roquefeuil put en fournir la preuve sur-le-champ.— « J’en connais un, moi aussi, dit-il, qui porte le même nom et qui, j’en donne l’assurance à votre Majesté, est arrivé en droite ligne de Berlin, j’ai même son adresse, il habite au Pirée. » Pris en flagrant délit de mensonge, le Roi répondit froidement : « Je ne le connais pas. » Il mentait de nouveau pour couvrir sa retraite.

A mesure que cette conversation se déroulait, il s’excitait de plus en plus. « Les Alliés commencent à m’agacer, s’écria-t-il tout à coup ; ils ont vis-à-vis de moi des procédés que je ne peux admettre, je ne suis pas un enfant à qui l’on donne une tape sur la joue, et qu’on met dans un coin jusqu’à ce qu’il soit sage. Quand on me marche sur le pied, je gueule (sic). Vous aviez pour vous les neuf dixièmes de ma population ; aujourd’hui vous n’avez presque plus personne, parce que l’Entente ne sait pas ce qu’elle veut et qu’elle agace le pays par ses piqûres d’épingles. — Mais alors, Sire, que doivent faire les Alliés ? Peut-être votre Majesté préférerait-elle qu’ils aient un plan d’ensemble et qu’ils en discutent avec ses ministres les conséquences et les conditions. — Certainement, cela vaudrait mieux. » Il oubliait que les Puissances avaient déjà proposé au Cabinet grec de faire un bloc de foules les difficultés pour les résoudre toutes à la fois et qu’il avait toujours refusé de se prêter à ce procédé. La mauvaise foi de Constantin éclatait, dans son langage ; c’est en vain qu’il s’efforçait de la dissimuler sous des