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la conscience nationale. De ce XVIe siècle, déchiré par la guerre religieuse et civile, le XVIIe siècle, cet âge de l’ordre, avait gardé dans son arrière-fond des germes d’anarchie. Tout son travail, instinctif et réfléchi, fut de les réduire, et dans le domaine politique et dans le domaine religieux. C’est cet appétit d’unité totale dans l’État qui explique la Révocation. Il est bien remarquable qu’elle ait coïncidé avec le plus complet effort du gallicanisme. Elle est de 1685, et la déclaration du clergé de France, que les Papes Innocent XI et Alexandre VIII condamnèrent si durement, de 1682. Faut-il croire que l’une de ces deux manifestations était destinée à faire passer l’autre ? Parmi les motifs qui décidèrent Louis XIV à défaire l’acte réconciliateur de Henri IV, doit-on mettre le désir de donner à l’Église catholique un gage d’orthodoxie, au moment même où ses évêques affirmaient avec le plus de force leur indépendance vis-à-vis de Rome ? C’est possible. Comme aussi, — Michelet a soutenu cette thèse, — l’idée de racheter le scandale de ses adultères. Un des mérites de votre livre est d’avoir dégagé, par-dessous ces causes secondaires, la cause profonde, ce besoin, obscur et irrésistible, comme un appel de la nature, de relier dans une synergie sans désaccord, toutes les vitalités du pays, cette volonté de faire une France complètement, imbrisablement une. Cette vue si exacte vous a permis de situer dans sa vraie place la Protestante convertie qui fut la confidente du Roi à cette époque de crise. Vous nous la montrez silencieuse, ne conseillant rien, ayant comme grand désir, comme but suprême de sa vie, le retour des réformés, leur absorption dans la communion catholique, mais toute tremblante, toute épouvantée, devant la perspective de ces conversions en masse. N’écrivait-elle pas : « Pour ceux qui se convertissent par peur, c’est un état effrayant que le leur ? » Quelles pages saisissantes que celles où vous nous la peignez à la Chapelle de Versailles, dans sa petite lanterne dorée, priant pour ces Huguenots qu’elle appelait de toute sa ferveur à l’Église, souhaitant qu’ils fussent, comme elle, ramenés de l’hérésie à la vérité, perplexe pourtant sur le moyen employé, n’osant pas se mettre en travers. Elle sait par expérience la sincérité de la foi protestante. Elle se demande si les mesures de force dont elle approuve le résultat, auront sûrement ce résultat. Elle l’ignore. Elle se souvient d’avoir tout enfant écrit à sa tante, la châtelaine de Mursay, du couvent où son autre tante l’avait emprisonnée : « Ah ! Madame et Tante, vous n’imaginez l’enfer que m’est cette maison, soi-disant de Dieu, et les rudoiements, duretés de celles qu’on a faites gendarmes de mon corps et de mon âme non, pour