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AU PAYS BRETON

IV.[1]
TÊTE-A-TÊTE EN MER

Mi-septembre. — Du bleu, du bleu languide, automnal déjà : bleu du ciel et de la mer, sans un nuage, sans une fumée, tout le jour et tous les jours. Sur l’étendue lisse et pénétrée de lumière, sur les plages claires et les promontoires, tout se tait, tout se suspend comme en extasie. Les heures, pareilles, ne semblent plus passer. On dirait que cet enchantement de la mer et de la vieille terre bretonne est à présent pour toujours. Au frais matin, nous « sortons, » sous prétexte de pêche, en réalité pour mieux posséder cette lumière, plus divine à sa naissance, pour nous éloigner de tout ce qui fait ombre sur la terre et sur l’esprit, pour nous perdre au sein de l’immensité radieuse.

Bonne sensation de retrouver l’étroit bateau où l’on va passer la journée avec un homme simple qui ne sait que les vents et les courants, les choses de la pêche et du petit port. On est sûr que jusqu’à l’heure où le disque du soleil s’abaissera, pur comme la veille, derrière les pâles champs liquides, jusqu’au crépuscule rose, jusqu’à la nuit, rien n’arrivera ; que l’on va sentir peu à peu le vide se faire en soi : vide bienfaisant, tout de lumière et de silence, comme celui de l’espace et de la mer.

On part au soleil levant. L’aviron plonge dans l’eau lourde ;

  1. Voyez la Revue des 1er juillet, 1er ’ et 15 août.