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on permet aux déportés le retour, de quel crédit ne jouiront-ils pas ! Le peuple ignorant les regardera comme des martyrs, et leur influence croîtra de tout ce qu’ils auront souffert. — Entre la faction royale et la faction sacerdotale, tout est commun, les intérêts, les vues, les directions, en sorte qu’on ne peut tolérer l’une sans assurer le succès de l’autre. Sur cette solidarité de la religion et de la monarchie, Boulay de la Meurthe insista longuement, soit que vraiment il y crût, soit qu’il comprit que la plus grande habileté serait de joindre les deux causes. — Cependant, par un ressaut imprévu de modération, l’orateur laissait entendre qu’il pourrait se prêter à ce que les prêtres déportés ou reclus rentrassent dans la société. Ce n’était que concession trompeuse ; car, se ressaisissant aussitôt, il s’élevait contre le faux libéralisme qui prétendait ramener les ministres du culte sous l’empire du droit commun. Sans doute, le budget ne paie plus les prêtres ; mais qui oserait dire qu’ils sont des citoyens comme les autres ? Comment traiter en simples citoyens ceux qui prétendent parler au nom de la divinité ? Les prêtres insermentés sont nos ennemis, et ils l’ont prouvé. Aussi la prudence exige qu’ils soient contenus par un engagement très strict. En finissant, Boulay de la Meurthe demandait qu’on rejetât le projet et qu’on y substituât un nouveau plan.

Nombreux furent les défenseurs de la liberté. La grandeur de la cause était une tentation pour qui se plaisait à la pompe. Plusieurs, parmi les députés, se figurèrent que le principal écueil à fuir, c’était la simplicité. Naguère, comme ils allaient quitter leur province, des pétitions, des adresses leur avaient été remises, signées de laboureurs, d’artisans, de petits bourgeois, de membres de confréries, de femmes pieuses. Tous suppliaient, en un langage apprêté qui n’était certainement pas d’eux, qu’on leur rendit la Religion de leurs pères. Il ne manqua pas d’orateurs qui crurent se hausser, en ajoutant encore à la solennité de ces paroles. De là, quelques harangues singulières qui exprimaient en termes fastueux des regrets rustiques, exaltaient le sentiment religieux, mais sous une forme si vaguement pompeuse, que tout se perdait dans la cadence des sons et dans l’harmonieux bercement des souvenirs. L’hommage se développait longuement, mais tout en descriptions, tout en réminiscences, et l’on s’appliquait d’autant plus à déclarer la religion bienfaisante et vénérable qu’on eût jugé osé de la proclamer