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les procès-verbaux négligent de mentionner les noms des départements ; ils se bornent à indiquer le chiffre global des communes qui ont expédié des pétitions ; un jour, il en arrive de 62 communes ; une autre fois, de 82 ; un troisième jour, de 99. Et toutes ont pour objet le rappel des déportés, la restitution des presbytères, l’abolition du serment, le rétablissement du culte. Cependant le député Dubruel vient de déposer son rapport. Il se résume en la disposition suivante : les décrets sur la déportation sont abrogés, pareillement ceux sur la réclusion ; prêtres reclus, prêtres déportés recouvreront leurs droits de citoyens.

Le 20 messidor (8 juillet 1797), la discussion s’ouvrit. Pendant sept jours, elle se prolongea ; et nul argument ne fut omis, soit pour colorer l’ancienne servitude, soit pour affirmer l’émancipation.

L’intolérance eut de nombreux avocats : le général Jourdan, Eschassériaux, Lamarque. Entre tous les discours, un surtout mérite d’être retenu, celui de Boulay de la Meurthe.

C’est une très heureuse fortune pour une cause violente que de trouver, pour la défendre, un modéré. Avocat au Parlement de Lorraine, puis juge à Nancy, Boulay de la Meurthe était devenu suspect pour avoir réprouvé l’exécution de Louis XVI, et, pendant la Terreur, il avait dû se cacher. Qui n’eût cru que, sous l’influence de tels souvenirs, il siégerait dans le parti constitutionnel ? Bien vite il trahit cet espoir. Il se persuada, parvint à se persuader que la nouvelle majorité ne se couvrait de la République que pour la mieux trahir, que bientôt la royauté serait rétablie et peut-être même l’ancien régime, que les prêtres, si on les laissait libres, seraient les plus actifs instruments de la restauration monarchique. Ainsi prit-il sa place dans le parti du Directoire. Mais un certain renom d’impartialité s’attachait encore à lui, en sorte qu’il serait d’autant plus dangereux qu’on le croirait moins passionné. Tout ce qu’on pouvait dire contre la liberté religieuse, il le dit, et en prescripteur grave qui proscrit sans colère et comme par conviction. — Il commença par l’éloge de la Constitution civile, cette création archaïque que déjà tant d’autres avaient abandonnée. — Il nia que la privation de tout patrimoine corporatif, que l’abolition de tout salaire replaçât le prêtre dans le droit commun : c’est précisément parce que le clergé a été privé de ses biens et de ses honneurs, qu’il est l’ennemi irréconciliable de la Révolution. Si