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que compromis. Et pour tout dire, le royalisme ne pouvait compter que sur un allié, le Directoire lui-même, si jamais celui-ci, par l’accumulation de ses violences ou de ses fautes, rejetait les modérés vers la monarchie.

A défaut de la monarchie qu’on n’aspirait point à refaire, et qui apparaissait tout au plus en un arrière-plan lointain, il y avait la France à réorganiser. Depuis cinq années, la guerre sévissait : un pressant souci serait de rétablir la paix ; les finances étaient en désarroi : il fallait y remettre l’ordre ; de fâcheuses habitudes de malversations s’étaient introduites parmi les traitants : il y avait urgence à remettre en honneur la probité. Cependant, entre toutes les taches, la première serait d’assurer l’émancipation religieuse. Dès le 4 prairial, une commission fut nommée pour réviser les lois sur le culte, c’est-à-dire pour « les mettre en harmonie avec la Constitution. » Elle se composa de cinq membres : Philippe Delleville, Dubruel, Camille Jordan, Pailhier, Rouchon, tous favorables à la liberté.

Cette liberté que les Conseils semblent promettre, le pays s’enhardit de plus en plus à la saisir. On est à cette époque du printemps qui ramène pour les catholiques plusieurs de leurs grandes fêtes. Dans les campagnes, à l’aube des Rogations, beaucoup de prêtres forment, comme au temps passé, leur cortège, et, parcourant les champs, bénissent les moissons grandissantes. A l’Ascension, beaucoup de monde dans les églises et bien plus encore à la Pentecôte. Ce jour-là, on compte aux Minimes, dans la nef comble, plus de deux mille assistants ; ce jour-là aussi, les catholiques romains reprennent possession de Saint-Roch qui, pendant plusieurs années, sera pour eux comme leur cathédrale, puisque les constitutionnels ont Notre-Dame. Le samedi suivant, veille de la Trinité, M. de Maillé, évêque de Saint-Papoul, procède à une ordination en l’église des Blancs-Manteaux. Les policiers aux aguets notent la cérémonie qui d’ailleurs déroute tout à fait leur science liturgique. « On a remarqué, disent-ils en termes d’une vague ignorance, les cérémonies ou les préparatifs de quelque rite catholique. » Encore cinq jours, et ce sera la Fête-Dieu ; plusieurs prêtres imaginent de fixer quelques guirlandes de feuillage ou quelques tentures extérieures ; à défaut de procession dans les rues, ils voudraient exposer l’ostensoir sous le portail de l’église, et, de là, bénir les assistants. Cette fois, c’est trop ; ce qui subsiste d’hostilité se