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complicité du Ministère actuel avec les ennemis, les obligeaient à agir avec fermeté en s’appuyant sur les droits qu’elles tenaient des traités. Elles se voyaient donc dans la nécessité d’exiger la démobilisation réelle et totale de l’armée grecque, qui devrait être mise à bref délai sur le pied de paix ; le remplacement immédiat du Ministère actuel par un cabinet d’affaires sans nuance politique et offrant toutes les garanties nécessaires pour l’application loyale d’une neutralité bienveillante ; la dissolution immédiate de la Chambre des Députés, suivie de nouvelles élections et après que la démobilisation générale aurait replacé le corps électoral dans des conditions normales, et enfin le remplacement de certains fonctionnaires de la police qui avaient facilité les attentais commis contre de paisibles citoyens, ainsi que les insultes faites aux légations alliées et à leurs ressortissants.

Les dernières lignes de ladite note étaient ainsi conçues, et c’est ce qui lui donnait le caractère d’un ultimatum : « Toujours animées envers la Grèce de l’esprit le plus bienveillant et le plus amical, les Puissances garantes sont décidées en même temps à obtenir, sans discussion ni délai, l’application de ces mesures indispensables et elles ne peuvent que laisser au gouvernement hellénique l’entière responsabilité des événements qui se produiraient si leurs justes demandes n’étaient pas immédiatement acceptées. »


IV

La journée du 21 juin 1916 a été une journée historique par la succession rapide des incidents qu’elle vit se dérouler. Ce jour-là, dans Athènes, régnait une chaleur tropicale : 43 degrés à l’ombre et 60 à 65 degrés au soleil. Cette température était officiellement constatée à l’Observatoire de la capitale. C’était la plus élevée qu’on y eût enregistrée depuis soixante ans que le service météorologique était établi. Ceux de mes lecteurs qui ont vécu pendant l’été dans les villes méridionales peuvent se figurer le spectacle que présentait l’antique cité. Dans toutes les maisons, portes et fenêtres étaient hermétiquement closes et les habitants claquemurés chez eux, attendant le soir pour sortir. Les vieux monuments témoins des temps épiques, qui sont la parure d’Athènes et lui impriment une beauté particulière, les maisons toutes blanches, le pavé des rues couvert d’une