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ambulance, elle refusait les infirmières françaises dont les services lui étaient offerts, en disant : « Rien de bon ne peut venir de ce pays-là. » Mêmes sentiments pour les officiers de la mission du général Eydoux.

Entre d’innombrables faits révélateurs de ses dispositions malveillantes pour la France, nous n’en trouvons qu’un qui fasse exception. Il se produisit après les tragiques journées de décembre. Le corps diplomatique allié et nos nationaux avaient quitté Athènes et s’étaient retirés sur les bâtiments de la flotte. Dans une ambulance de la capitale, était resté un soldat français, trop grièvement blessé pour être évacué avec ses compatriotes. Tant qu’il fut retenu à l’ambulance, la Reine affecta d’aller le voir tous les jours, l’entourant de soins. Sa sollicitude était-elle sincère ou n’était-ce qu’une comédie ?… C’est le secret de sa conscience. Quant à nous, en nous rappelant que dans toute accusation où existent des doutes, ils doivent profiter à l’accusé, nous ne voulons pas croire qu’en cette circonstance, elle ne cherchait qu’un argument de défense pour le cas où elle aurait à répondre de son attitude antérieure envers les soldats alliés ; nous admettrons volontiers qu’elle a obéi malgré tout à un entraînement généreux qui ne saurait étonner dans une âme féminine.

A la juger d’après l’éducation qu’elle avait reçue et d’après les enseignements de sa mère, née princesse d’Angleterre, on aurait pu croire qu’elle était plus Anglaise qu’Allemande ; mais après que son mari fut devenu Roi, elle se révéla plus Allemande qu’Anglaise. Les dépêches qu’elle envoya à son frère Guillaume II en 1916 et qui ont été publiées depuis, ont démontré qu’elle n’écoutait que la voix du sang des Hohenzollern. Exerçant sur son mari une influence décisive, elle a été son mauvais génie et c’est elle qui a précipité sa chute.

Après avoir parlé de la Reine, il nous faut parler du Roi ; mais nous le ferons brièvement, l’ayant déjà suffisamment montré, au début de cette étude, pour le faire connaître, et la suite des événements devant ajouter à cette ébauche les traits définitifs qu’exige un portrait pour être ressemblant. Un émincent diplomate français disait de lui qu’il était « borné, vaniteux, entêté et populaire. » Rien de plus vrai. On y peut ajouter qu’admirateur de la force brutale, son rêve était de voir reconstituer une Europe allemande à l’image de l’Empire romain,