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considérait qu’unique et providentielle était l’occasion qui s’offrait à la Grèce de réaliser ses aspirations nationales, qu’en conséquence, le Gouvernement royal devait renoncer à sa neutralité, se ranger aux côtés de l’Entente, déclarer la guerre à la Bulgarie, Constantin n’envisageait que les dangers de cette politique. « L’Asie-Mineure, objectait-il, c’est un capital en réserve. Laissons le soin de le réaliser à la génération qui nous suit et pour le conquérir hâtivement, ne nous exposons pas à des périls contre lesquels la neutralité nous protège. Conservons ce que nous avons et restons neutres. » Cette politique, les Puissances alliées l’avaient approuvée. Elles ne demandaient pas au Gouvernement royal de sortir de la neutralité ; seulement, elles l’exigeaient sincère et loyale, ne voulaient pas qu’en favorisant les desseins de l’Allemagne, elle compromît la sécurité de notre armée d’Orient que Guillaume II se flattait d’écraser et de jeter à la mer. « Prends patience, écrivait-il plus tard à son beau-frère, et jusque-là conserve ton trône. »

Lorsque les Puissances commencent enfin à soupçonner que la politique de Constantin n’est qu’une politique d’attente qui cache les pires desseins, et regrettent peut-être d’avoir, — sous prétexte de ne pas intervenir dans les affaires intérieures du royaume, — laissé le Roi méconnaître par deux fois la volonté des électeurs, lorsqu’elles constatent le développement imprimé en Grèce, avec la complicité de la Cour, à la propagande germanophile et à l’espionnage effréné des Allemands résidant à Athènes, elles comprennent la nécessité de mettre un terme à cette situation. Elles s’étaient résignées à ne pas exiger du Gouvernement royal l’exécution de ses engagements envers la Serbie. Renonçant à le contraindre à porter secours aux Serbes, attaqués par les Bulgares, elles s’étaient substituées à lui pour fournir ce secours, en envoyant en Orient un corps expéditionnaire. Mais lorsqu’au mois de mai, elles apprennent qu’il a livré à ces mêmes Bulgares le fort de Rupel, commandant le défilé de Démir Hassar, les munitions et les armes qui s’y trouvaient, trahison envers la patrie, qui se renouvellera au mois d’août sur le port de Cavalla, elles s’inquiètent enfin du double jeu que joue Constantin. La France, l’Angleterre et la Russie se décident alors à lui donner, sans plus tarder, un avertissement salutaire. Il se traduira, le 21 juin, sous la forme d’une note collective, qui aura le caractère d’un ultimatum.