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miraculeux) ; puis viennent, serrées les unes contre les autres, les stèles des simples fidèles. Il en est de peintes et de sculptées ; tous les styles se mêlent, depuis le haut gothique jusqu’à l’Empire. L’ornement le plus fréquent, et peut-être le plus beau, est l’inscription gravée en caractères hébraïques d’une extraordinaire pureté. Les tombes des rabbins et des prêtres sont surmontées de la tiare rituelle ou du chapeau sacerdotal ; celles des femmes se reconnaissent au candélabre et aux deux mains ouvertes pour bénir ; celles des jeunes filles figurent un vase de fleurs ou un arbre brisé. Aux pierres les plus vénérées sont accrochés par un cordon de feuilles, des touffes d’herbe et de morceaux de papier ; parfois l’étroite corniche est chargée de cailloux ou de petits morceaux de tuile : ce sont les cartes de visite des croyants, qui, selon l’usage ancien, sont venus en même temps prier pour leurs morts et les implorer en faveur d’une affaire qui les intéresse.

Les synagogues des villes polonaises présentent presque toutes, vues de l’intérieur, le même aspect misérable et délabré. La façade est nue et semble trop basse pour sa largeur ; quelquefois apparaît sur l’un des côtés l’escalier couvert qui permet aux femmes d’accéder à leur tribune sans souiller de leurs pieds le parvis du temple. On entre, et la surprise est merveilleuse : aux proportions grandioses, à la hauteur de la nef, on s’aperçoit que l’édifice est profondément enfoncé dans le sol. Un petit vestibule précède le temple. Quatre piliers de pierre, courts et épais, supportent la tribune des femmes. Celle des chanteurs, la Béma, se dresse comme un baldaquin au milieu de l’espace réservé aux hommes. Au mur oriental s’appuie l’autel des Thoras, surélevé de plusieurs marches et généralement très orné. De grands lustres de cuivre descendent des voûtes ; aux piliers et aux murailles sont accrochés de larges réflecteurs en métal doré, surchargés d’ornements rituels. Partout des lions, des oiseaux, des cerfs, des corbeilles fleuries et des cornes d’abondance, des paysages de Jérusalem idéalisés. Tel intérieur de synagogue, comme celui de la « Rose d’Or » à Lemberg, donne une extraordinaire impression de somptuosité orientale et de mystérieuse richesse. Dès qu’on a franchi le seuil pour sortir, on retrouve l’humble muraille nue et la ruelle étroite qui tourne entre les maisons malodorantes…