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plus vite ; et cela est assez naturel. Il convient d’avoir présent cet état d’esprit, pour apprécier équitablement certaines réformes, qui peuvent sembler radicales et prématurées, et qui étaient peut-être inévitables.

J’ai déjà indiqué, en expliquant le régime économique de la Pologne, quelques-unes des mesures établies par le gouvernement de Varsovie en vue d’améliorer la condition matérielle des ouvriers : réglementation du travail des femmes et des enfants, journée de huit heures, obligation pour les entreprises de fournir aux ouvriers des habitations gratuites ou à bon marché, des vivres et des vêtements à prix réduits, etc.. Nulle part je n’ai entendu contester le bien-fondé de ces mesures : on ne reproche au gouvernement que de les avoir appliquées trop vite. La journée de huit heures, introduite dans les industries sans la préparation qu’elle exige, a entraîné une diminution considérable de la production. J’ai sous les yeux des tableaux graphiques représentant les quantités de charbon extraites jour par jour dans une mine de Galicie : la colonne du samedi (journée de 6 heures) n’arrive pas au tiers de la hauteur de celle du vendredi ; celle du lundi n’en dépasse pas la moitié ; dans les semaines qui comptent deux jours de fête, — les fêtes religieuses chômées sont très nombreuses en Pologne, — l’extraction est extrêmement inférieure à la moyenne. J’ai assisté deux fois, dans une mine de charbon et dans une exploitation de pétrole, à la relève d’une équipe par l’autre : le travail était complètement arrêté pendant plus d’une heure.

Si la production souffre, provisoirement, de la brusque introduction des mesures de prévoyance sociale imposées par le gouvernement, la classe ouvrière en profite très largement, et le pays tout entier y trouve une garantie de la paix intérieure. Les grèves sont assez fréquentes, en Pologne, comme ailleurs ; j’ai été témoin de quelques-unes : grèves de sympathie ou de solidarité. Elles n’avaient aucun caractère de violence ; pas de dégâts, nul acte de sabotage. L’ouvrier polonais, comme le paysan, est naturellement deux et pacifique. Un directeur de mine m’a raconté qu’au lendemain de l’indépendance, lorsque les ouvriers allemands et autrichiens furent expulsés, l’opération s’était effectuée dans le plus grand calme, sans un seul coup donné ou reçu et sans intervention de la police.

J’ai été frappé, en visitant les mines de charbon de Jaworzno,