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dans l’esprit de Dieu qui descendra sur lui au moment propice. Et ses dons de prophétie sont dès à présent contagieux. Il suffit que la belle Yseult de Villepreux se décide à mettre sa main dans la main d’Huguenin pour qu’elle participe de son céleste privilège. Désormais, lorsqu’elle s’accoudera sur sa gothique terrasse, elle recevra, elle aussi, de grandes révélations sur la perfectibilité humaine ; et les rejetons qui vont naître de ce couple élu verront sans doute plus clair encore dans les secrets du Très-Haut.

C’est Pierre Leroux qui, par sa rousseauiste philosophie de l’histoire, avait conquis George Sand à ce « communisme » dont elle se fit l’apôtre au cours des années qui précédèrent la révolution de 1848. Pendant cette période de crise, les communistes passeront pour les plus inquiétants des démagogues. Et pourtant, chose curieuse, l’évolution qui, vers 1840, avait conduit Sand du socialisme de Lamennais vers le communisme de Leroux, s’était accompagnée au contraire d’un adoucissement des dispositions violentes qui marquent ses premiers écrits de propagande républicaine. A mesure que l’utopie pousse de plus profondes racines en cette âme féminine, — assurément généreuse et dévouée quand l’entraînement passionnel où l’orgueil ne lui dictent pas sa conduite, — cette utopie se fait plus indulgente et plus souriante : elle oublie ou néglige les obstacles à écarter de son chemin dans le ravissement des résultats entrevus. N’est-il pas significatif, en effet, que ses récits délibérément communistes aient été publiés en feuilleton par des feuilles conservatrices, comme le Constitutionnel ou l’Époque, tandis que les journaux réformistes se fermaient devant ces rêveries qui leur semblaient défavorables à l’action immédiate ? L’appel à la violence en a disparu : un souffle d’idylle, une haleine de printemps circulent entre leurs pages, annonçant les délicieux romans champêtres qui vont les suivre de près ou même les continuer par une transition insensible. Le rousseauisme sandien semble ici rétrograder vers sa source astréenne, qu’il rejoindra tout à fait dans les Beaux messieurs de Bois-Doré. L’association volontaire est désormais proposée comme le ressort essentiel de la réforme sociale prochaine.

Dans le premier des deux grands romans communistes de Sand, le Meunier d’Angibault, on voit une belle Parisienne, Marcelle de Blanchemont, demeurée veuve avec un très jeune