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pas la victoire en lésinant. Et, surtout en Rhénanie, le livre français doit être victorieux.


12 janvier 1920.

Les cloches ont sonné ce soir à toute volée dans les églises de Rhénanie pour saluer la première heure de l’état de paix. Enfin était proclamée cette ratification du traité de Versailles que le gouvernement allemand retardait toujours. Un nouveau régime commence dans les territoires occupés. Les autorités militaires sont dessaisies ; elles n’ont plus qu’à assurer le service d’occupation. Le seul pouvoir de contrôle que maintienne l’Entente est celui de la Haute Commission interalliée ; notre représentant, M. Tirard, n’aura plus, en principe, qu’à régler, de concert avec les Hauts commissaires anglais, américain et belge, les questions concernant la sécurité des troupes d’occupation : il est à prévoir, pour peu qu’il veuille préserver l’influence française, que son rôle ne sera pas toujours facile ; d’autant que la Haute Commission admet auprès d’elle, pour défendre les intérêts des Rhénans, un pur Prussien, von Stark, ancien préfet de police de Potsdam, et que la convention annexée au traité de paix maintient à leur poste en pays occupé tous les fonctionnaires prussiens ou prussianisés de 1914. Ce ne sont certes point gens à aider à l’œuvre d’entente franco-rhénane.

De grandes affiches blanches placardées dans toute la ville font connaître aux Rhénans le nouveau régime. Une série d’ordonnances suivent la proclamation : elles témoignent toutes d’un sentiment de bienveillance et d’équité bien rares chez des vainqueurs. Je me souviens des proclamations de ces administrateurs prussiens que nos Champenois et nos Lorrains durent subir après 1871, et que, quelques semaines avant la guerre, je relisais avec émotion aux Archives. Ah ! ceux-là parlaient un autre langage où l’amende, la prison, voire la mort, étaient à chaque ligne invoquées.

Les Mayençais se groupent devant les affiches. Ils les lisent lentement, méticuleusement, puis s’en vont sans dire un mot, chacun de leur côté. Au fond, pour la plupart, la question politique ne les intéresse pas beaucoup. Ce qui les préoccupe, c’est le ravitaillement. Dès ce soir, mon propriétaire est venu me demander s’il pourra continuer à acheter par mon entremise du pain, de la viande et du vin à la coopérative militaire.