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UNE ANNÉE EN RHÉNANIE


1er septembre 1919.

J’ai pu gagner Mayence sans vraiment m’apercevoir que je traversais une frontière et pénétrais en terre ennemie. A Wissembourg, il y a bien des petits chasseurs qui passent dans le train pour examiner les sauf-conduits, mais ils font cela si galamment que nul n’y prête attention. A Winden, un gros douanier bavarois est entré dans mon compartiment, mais il a souri lorsque je me suis soulevé pour lui montrer ma valise, et, d’un geste, m’a fait comprendre que mon effort était inutile. A Mayence, c’est un Rhénan, qui, en excellent français, m’a indiqué mon chemin pour gagner l’office des renseignements. Là, en quelques instants, un commandant complaisant m’assure appartement et pension. Dans les rues, une foule joyeuse circule. Au cercle militaire, civils, femmes, enfants, s’attablent auprès des officiers. En la brasserie où l’on me mène, un Mayençais s’empresse de me faire place.

En quelle ville française, en ce temps-ci, un Français serait-il donc mieux accueilli ?


6 septembre 1919.

A la fin du dîner, une grande rumeur qui s’élève dans la rue nous pousse aux fenêtres. Des cuivres retentissent, ponctués par la grosse caisse ; là-bas, vers la Grosse Bleiche, des flammes vacillent. La retraite ! Nous courons dans la Schillerstrasse, cependant qu’aux fenêtres des têtes de toute part se penchent.

Dans la rue emplie d’ombre, voici toute la marmaille de Mayence, précédant les cavaliers porteurs de torches. En arrière, un grand tambour-major, auquel il ne manque que le plumet